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princes du sang avaient introduit contre lui une requête tendant à ce qu’il fût déchu du rang auquel il avait été élevé, et ramené à celui que lui assignait sa qualité de bâtard. Toujours faible, le Régent hésitait entre donner cours à des mesures qui atteignaient par contre-coup jusqu’à sa propre femme, sœur du Duc du Maine, ou bien opposer résistance à la haine du Duc de Bourbon, qui avouait lui-même éprouver, lorsqu’il voyait le Duc du Maine, le sentiment de répulsion qu’on éprouve lorsqu’on voit certaines bêtes. Mme de Maintenon prend sa part de toutes ces épreuves, et en suit les péripéties. Le repos auquel elle aspire en est troublé. Elle voudrait que le Duc du Maine lui témoignât moins d’affection. « Je porterois bien plus aisément l’ingratitude des uns et l’oubli de tous que je ne fais l’amitié qu’on me témoigne, et ce prince redouble la sienne pour moi, de manière que je me retrouve dans le monde par l’intérêt que je prends à un certain nombre de gens, toujours prête à pleurer leurs peines, sans partager leurs plaisirs. » Le Duc du Maine, qui n’était pas dépourvu de certaines qualités de cœur, était en effet demeuré tendrement attaché à celle qui avait pris soin de son enfance. Souvent il vient la voir à Saint-Cyr. Au retour d’un séjour qu’il avait fait à Rambouillet chez son frère, le Comte de Toulouse, il lui amène ses nombreux enfans, comme il les amènerait voir une grand’mère. Ces visites du Duc du Maine sont les seules dont Mme de Maintenon ne se plaigne pas. Mais ce dont elle se plaint, c’est de l’état d’agitation où la maintient l’arrivée incessante de lettres ou de nouvelles le concernant : « Est-il vrai que votre avocat de Toulouse soit un fou qui donne de mauvais conseils à nos princes ? Il est impossible, ma chère nièce, que ma bouteille soit fermée. On a des amis auxquels on s’intéresse. Ces lettres entrent partout et excitent quelque curiosité sur les sujets qui en valent la peine. Tout cela trouble et attriste au point que je voudrois retourner à l’Amérique, mais mon âge s’y oppose. »

Le Duc du Maine paraît, à travers les lettres de Mme de Maintenon, avoir supporté avec sagesse et dignité l’humiliation que le Parlement lui infligea en cassant l’édit royal par lequel il avait été élevé à la dignité de prince du sang. Mais Mme de Maintenon, toujours sagace, redoute l’influence que pourra exercer sur lui la Duchesse du Maine. « M. le Duc du Maine ne me parle que de sagesse pour lui et pour tout ce qui l’environne, mais je ne pense pas qu’on puisse réduire madame sa femme à ne rien