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années de la Régence. Elle n’a point de parti pris contre le Régent, et rend justice aux efforts qu’il fait pour triompher des difficultés dont le vieux Roi lui avait laissé le lourd héritage. « Je ne suis point ennemie de M. le Duc d’Orléans, » dit-elle. Mais elle parle avec détachement des affaires générales, finances, traités, guerres, comme n’y portant plus qu’un médiocre intérêt. Une seule chose la passionne, les affaires de l’Eglise.

Il n’est pas besoin de rappeler l’état lamentable dans lequel se trouvait alors l’Eglise de France. En provoquant de la part de Clément XI la promulgation de la bulle Unigenitus, Louis XIV avait cru mettre un terme aux divisions qui la déchiraient depuis qu’un certain nombre d’évêques s’étaient avisés, après quinze ans écoulés, de dénoncer le mandement par lequel le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, avait autrefois donné son approbation au livre des Réflexions morales sur le Nouveau Testament du Père Quesnel. Il n’y avait pas réussi. Si, à l’assemblée qui s’était tenue en 1714, quarante évêques avaient accepté la Bulle, ou comme on disait alors, la Constitution, huit d’entre eux, à la tête desquels était le cardinal de Noailles, avaient déclaré ne pouvoir s’y soumettre, et si, pliant sous l’impérieuse volonté du Roi, le Parlement de Paris, ainsi que la Sorbonne, avait consenti à enregistrer la Bulle, l’opinion de la majorité des parlementaires et des docteurs n’en demeurait pas moins hostile à cette intervention de l’autorité pontificale, qu’ils jugeaient contraire aux libertés de l’Eglise gallicane. La mort du Roi avait rendu courage aux opposans, et le Duc d’Orléans avait paru se ranger de leur côté en appelant le cardinal de Noailles à la tête du Conseil de conscience. Seize évêques, dont celui d’Auxerre, oncle de Mme de Caylus, adressaient une lettre publique au Régent où ils lui demandaient de provoquer de la part du Pape des explications sur sa Bulle. Quatre d’entre eux allaient même plus loin, et rédigeaient, devant un notaire au Châtelet, un appel au futur Concile, qu’ils faisaient signifier au Pape par un huissier. Le Parlement de Paris et quelques parlemens de province prenaient ouvertement parti contre le Pape, en ordonnant la suppression des mandemens de certains évêques qui se prononçaient avec véhémence en faveur de la Constitution et menaçaient les opposans d’excommunication. Les docteurs en Sorbonne, les simples prêtres donnaient leur avis ; cinquante-deux curés de Paris écrivaient au cardinal de Noailles pour lui dire que, s’il