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son des cloches de plusieurs petits couvens qui invitent à prier Dieu. » Et dans une autre lettre : « C’est un délice que de se lever matin. Je regarde par la fenêtre tout mon empire et je m’enorgueillis de voir sous mes lois douze poules, un coq, huit poussins, une cave que je traduis en laiterie, une vache qui paît à l’entrée du grand jardin par une tolérance qui ne sera pas de longue durée. Je n’ose prier Mme de Berry de souffrir ma vache. Hélas ! c’est bien assez qu’elle me souffre. » Elle y attendait la visite de ses enfans, qui commençaient à lui donner du souci. Elle y espérait celle de Mme de Maintenon. « Ne vous verrai-je point, ma chère tante ? Est-il aussi triste d’être nièce que d’être mère[1] ? » Mais elle ne devait jamais l’y voir. Il y avait très peu de temps que Mme de Caylus était installée au Luxembourg, lorsqu’un bien autre changement survenait dans l’existence de Mme de Maintenon. Louis XIV mourait, et Mme de Maintenon se réfugiait à Saint-Cyr d’où elle ne devait plus sortir.


III

Transportons-nous maintenant du Luxembourg à Saint-Cyr, et voyons de quelle vie va vivre, dans la vieille abbaye, durant les quatre années qui lui restaient à passer sur terre, celle qui l’avait fondée. Décrivons d’abord son appartement, d’après Manseau, l’intendant de Saint-Cyr : « Sa chambre, où il y a un grand lit avec une housse de serge de Londres bleue, doublée de taffetas d’Angleterre de même couleur, des pommes fort vives de plumes et d’aigrettes, une table, un miroir, huit fauteuils, six plians, quatre petits tabourets ; son cabinet où il y a un lit de repos, six fauteuils, une pile de six carreaux, six tabourets de différente hauteur, deux tables et deux miroirs comme les précédens. » Cet appartement avait pour Mme de Maintenon l’inconvénient d’être à trois cent trente pas de la chapelle, et, comme elle se rendait à la messe tous les jours, malgré les médecins (« Je ne sais pourquoi, disait-elle, les médecins ont la messe en aversion »), ce long chemin à parcourir ne laissait pas de la fatiguer. Mais elle tenait à cet appartement parce qu’il était de plain-pied avec les cours où jouaient les élèves, ce qui lui permettait de se mêler à leurs récréations. Pendant quatre ans,

  1. Souvenirs, p. 255-256.