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d’objet. Elles veulent plaire à tous et à tout prix. Mme de Caylus voulait plaire à Mme de Maintenon, et elle y réussissait. Les lettres ou plutôt les petits billets que celle-ci lui adresse en réponse sont courts, mais affectueux. Nous citerons celui-ci : « Il n’y aura aucun sermon à Saint-Cyr, mais bien une grand’messe à neuf heures et demie, un poulet au coin du feu, des vêpres à trois heures, et un retour ici à cinq, le tout à votre service, ingrate[1] ! » Un simple poulet entre grand’messe et vêpres ! Le temps n’était plus des soupers de la rue de Vaugirard, mais, au coin du feu comme à table, Mme de Caylus était toujours charmante, et Mme de Maintenon le reconnaissait dans une lettre à la princesse, des Ursins. « Il est vrai que je m’accommode mieux avec Mme de Caylus qu’autrefois, parce qu’elle me paroît revenue de l’entêtement qu’elle avoit pour le jansénisme, étant difficile de se trouver agréablement avec ceux qui pensent différemment que nous. Son visage est toujours aussi gracieux, mais elle a une taille qui la défigure fort. Du reste, je ne vois point ici de femme aussi raisonnable qu’elle[2]. »

Telle nous apparaît Mme de Caylus, à cette époque de sa vie, et nous aimons mieux en juger d’après ces documens authentiques que d’après les dires de Saint-Simon, suivant lequel, « quand elle étoit dans la société de Madame la Duchesse, elle déploroit la tristesse dans laquelle sa jeunesse s’étoit passée, dont elle faisoit mille contes sur elle-même, en se moquant de toutes ses pratiques de dévotion. » Après avoir raconté « qu’elle se fit une cour, les matins, des généraux, des ministres, et de la plupart des importans de la Cour, par ricochet de Mme de Maintenon, » il va jusqu’à dire : « Au fond, elle se moquoit d’eux tous[3]. »

L’année qui précéda la mort de Louis XIV, un changement survint dans la vie de Mme de Caylus. Pour une raison que nous ignorons, elle souhaita de quitter son appartement à Versailles. Elle obtint un brevet de logement au Luxembourg, dont, peu après la mort de Louis XIV, la jouissance fut concédée à la Duchesse de Berry. Mme de Caylus paraît dans l’enthousiasme de sa nouvelle résidence : « Mon habitation est commode, jolie, solitaire et si séparée que je ne crois pas que je puisse jamais m’apercevoir du voisinage. J’entends dès le matin le chant des coqs et le

  1. Collection Morrisson, t. IV, p. 31.
  2. Lettres de Mme de Maintenon à la Princesse des Ursins, t. II, p. 103.
  3. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XIV, p. 229.