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ce qu’elles ont de brutalement significatif, par éclairer la conscience populaire. On a vu chasser des religieux et des religieuses ; on chasse maintenant des images ; que chassera-t-on demain ? Peut-être, enfin, sera-ce le gouvernement.

En attendant, les élections municipales se préparent. Que seront-elles ? Nul ne le sait. On ne le saura même pas quand elles seront faites, car il y en aura trente-six mille, ce qui est beaucoup trop pour qu’on puisse y voir clair. De plus, on vote par listes et non pas par scrutins uninominaux, ce qui augmente encore la confusion. Il ne faut sans doute pas attendre grand’chose de ces élections. Elles seront intéressantes dans les villes, où l’on pourra discerner les résultats : dans les campagnes, c’est-à-dire dans l’immense majorité des cas, l’importance des situations locales et la préoccupation des intérêts locaux resteront, comme par le passé, le grand facteur électoral. Il n’y aura probablement pas beaucoup de changemens dans les personnes ; mais les mêmes personnes ne se ressemblent pas toujours au bout de quelques années. Les conseils municipaux, les maires, les adjoints ont un besoin quotidien de l’administration préfectorale et sous-préfectorale, et celle-ci a une grande prise sur eux. De là viennent les profondes transformations morales auxquelles nous assistons depuis quelque temps : ce ne sont pas encore les prochaines élections municipales qui y mettront un terme. Le danger, pour le gouvernement, n’est pas là ; il est plutôt dans l’impatience toujours croissante avec laquelle la Chambre des députés le supporte. Le ministère fatigue ses meilleurs amis par ses exigences ; il les gêne souvent par ses imprudences ; il les éloigne de lui par ses allures brusques et cassantes. Même lorsqu’elles n’en disent rien sur le moment, les Chambres n’aiment pas à être traitées d’incapables. Enfin tout s’use avec le temps : le système de M. Combes commence à s’user. De là les chiffres de plus en plus bas de sa majorité. Chaque jour une parcelle du bloc s’en détache. D’autres morceaux, plus considérables encore, ne demandent qu’à s’en séparer. Le jour où un homme oserait, on le suivrait.

A la vérité, l’audace n’a pas manqué à M. Millerand, et il n’a pas été suivi ; mais un lendemain socialiste a effrayé, et les fameuses réformes ouvrières, telles que M. Millerand les conçoit, ont paru peu séduisantes. M. Doumer est l’espoir de trop de partis pour n’être pas condamné un jour ou l’autre à causer des déceptions à quelques-uns. En attendant, il avait un beau jeu en main : il ne l’a pas joué, et a sauvé lui-même le ministère et le ministre qu’il venait d’attaquer. La situation du gouvernement n’en est pas moins ébranlée, et la fin