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aux œuvres décisives de la littérature anglaise du XVIIIe siècle ; et encore, n’en parle-t-il que pour indiquer leurs tenans et leurs aboutissans, pour montrer de quelles œuvres antérieures elles ont été le produit et comment elles ont préparé la voie aux œuvres qui leur ont succédé. Le vieil historien n’avait, dans sa vie privée, qu’une seule passion, qui était celle de la marche à pied ; et l’on dirait en vérité que c’est cette passion qu’il a voulu satisfaire, dans ses conférences d’Oxford, tant l’allure de son récit est rapide et précipitée, sans un seul instant de halte pour reprendre haleine, ni pour accorder un coup d’œil aux beautés ou aux curiosités rencontrées en chemin. Mais, quelque regret que l’on ait de cet excès de hâte, la méthode suivie par Leslie Stephen n’en est pas moins la mieux faite du monde pour répondre à l’objet qu’il s’est proposé ; et je ne saurais assez dire combien est instructive, et attachante, et profondément imprégnée du plus exemplaire esprit historique, cette application de ce qu’on a justement nommé la « méthode évolutive » au fécond et puissant mouvement de la littérature d’un siècle, que Leslie Stephen se trouvait, précisément, connaître et aimer par-dessus) tous les autres. « Car, tandis que ses ennemis, nous dit-il, le dénoncent comme un siècle de grossier utilitarisme, d’indifférence religieuse, et de corruption politique, je me plais à l’appeler plutôt le siècle du solide sens commun, de la tolérance croissante, d’un actif développement social et industriel. »


Le début de ce siècle est rempli par un événement littéraire d’une importance considérable : la substitution du pamphlet ou de « l’essai périodique » à la comédie. Les dernières pièces de Congrève ferment le glorieux développement du théâtre anglais ; c’est désormais aux chroniques d’Addison, de Steele, de Swift, que passe la faveur des lettrés et du public. Il y a là un cas bien significatif de déchéance fatale des genres littéraires. Et Leslie Stephen démontre excellemment la faiblesse des théories imaginées par ses devanciers pour expliquer cette incontestable transformation d’un vieux genre en un genre nouveau. L’explication véritable, suivant lui, doit être cherchée dans l’organisme même de la comédie, qui, depuis longtemps déjà, avait manifesté des symptômes de déchéance, et ne vivait plus que d’une vie tout artificielle. Elle persistait à vivre, cependant, grâce à l’appui de la cour et de l’aristocratie, qui, par tradition, se croyaient tenues à la protéger ; mais, le jour où, au commencement du XVIIIe siècle, la bourgeoisie anglaise avait été admise à imposer son avis en matière