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procédés parvient-il à se pousser et à s’imposer ? Et quelles sont, dans notre vie moderne, les conditions qui lui viennent en aide et facilitent son industrie ? Car c’est, à coup sûr, un des côtés les plus intéressans de la question : si l’étude du personnage de l’esbroufeur peut être curieuse par elle-même, il est pour le moins aussi important de nous expliquer la psychologie de ceux qui l’entourent, moitié dupes et moitié complices. On rencontrait dans le salon de l’esbroufeur d’hier, et on rencontre chez ceux d’aujourd’hui, de fort honnêtes gens, dont le seul tort est d’être très parisiens, c’est-à-dire assez peu scrupuleux dans le choix de leurs relations. Ils savent, à n’en pas douter, que la maison n’est pas des plus honorables ; ils se répètent les bruits qui circulent ; ils n’ignorent pas que, sous des apparences fastueuses, courent toutes sortes d’intrigues malpropres. Le jour de la débâcle, ils vont répétant : « J’avais toujours prévu que cela finirait ainsi. » Et ils disent vrai. Telle est la facilité de nos mœurs.

Le sujet, sans être ni très neuf, ni d’une très grande portée, pouvait fournir d’assez curieux développemens. Il comportait une étude de caractère, celle de l’esbroufeur, et une étude de mœurs, celle du milieu où l’esbroufe s’épanouit. M. Hermant a-t-il réussi à nous donner l’une et l’autre ?

Au premier acte nous sommes dans une ville d’Allemagne. Un certain Belgrand, journaliste, y vit d’emprunts depuis deux mois. Il a fait la rencontre d’une Mme Richter, femme d’un directeur de théâtre, abondamment trompée par son mari. Belgrand et Mme Richter partent pour conquérir Paris. Cet acte est plein de détails inutiles. C’est par exemple la jalousie d’une actrice, Mme Allinari, qui poursuivant jusque chez sa rivale l’infidèle M. Richter met en révolution la petite ville. Quant aux deux personnages principaux, ils se chargent eux-mêmes de faire leur propre présentation, et, dans une conversation destinée à nous instruire de leur caractère, exposent longuement leur propre psychologie. — Au second acte, nous sommes à Paris, chez Belgrand. Celui-ci est promptement devenu un des hommes les plus en vue dans un certain monde. Sa femme a été pour lui dans cette fortune rapide une associée précieuse. C’est le soir. Des amis qu’il a invités à venir avec lui au théâtre l’attendent, et, pour tromper l’ennui de l’attente, se content les vilaines histoires dont leur hôte est le louche héros. Arrive le couple Belgrand. Échange de mauvais complimens. Départ pour le théâtre. Belgrand reste, ayant un article à terminer. En fait, tout l’acte sera rempli par une grande scène, où Belgrand persuade au richissime et imbécile Lambercier de lui