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Las Casas au Mexique, des Quakers en Pensylvanie et des Moraves dans les Antilles danoises, d’avoir les premiers élevé la voix contre ces traitemens barbares infligés aux indigènes. Livingstone entre autres, quand il explorait le bassin du Haut-Zambèze, en allant jusqu’à la pointe Sud du lac Nyanza, à Mbamé, eut plusieurs fois le courage de briser de sa propre main le joug de ces captifs, au risque de s’exposer à des représailles. Et, jusqu’à son dernier soupir, il n’a cessé de dénoncer, dans ses rapports à la Société des missions ou à la Société de géographie, cette plaie béante, ce chancre du centre Africain. Le bon combat contre la traite, engagé par lui, a été continué par les missions des Universités anglaises, par M. H. Châtelain dans la région des Lacs et, dans le bassin du Zambèze, par M. Coillard de la Mission évangélique de Paris.

A l’autre extrémité de l’Afrique, le cardinal Lavigerie, après avoir nettoyé de cette lèpre sociale le « hinterland » de l’Algérie et de la Tunisie, fondait sa Compagnie des Pères blancs, pour réprimer la traite plus loin vers le centre. Fort de l’approbation de Léon XIII, et après avoir adressé une lettre éloquente aux souverains de l’Europe, il alla lui-même, nouveau saint Bernard, prêcher dans les capitales la sainte croisade contre les marchands d’esclaves. Ses appels furent entendus et, secondé par les sociétés anti-esclavagistes de Londres, de Paris et de Rome, il obtint la réunion de la Conférence de Bruxelles (1889). Elle eut pour conséquence l’abolition de l’esclavage à Madagascar (1896) par notre résident général M. Laroche, et à Zanzibar et Pemba, par le sultan, à l’instigation du gouvernement britannique (6 avril 1897).

Ce n’est pas tout d’avoir combattu et à peu près vaincu la traite, d’avoir, partout où s’étend l’action militaire de la France, interdit le massacre des captifs de guerre, il fallait encore ouvrir un asile aux esclaves fugitifs, qui ont réussi à échapper à des maîtres durs et impitoyables, et leur procurer des moyens d’existence. C’est à ce besoin que pourvoient les villages de liberté. Nous avons dit, ici même[1], comment nos officiers français, les colonels Archinard et Galliéni, fondèrent les premiers de ces refuges dans le Haut-Sénégal et au Soudan (1887-1895). Les missionnaires catholiques continuèrent l’impulsion donnée. On doit aux Pères du Saint-Esprit la fondation des villages de

  1. Revue des Deux Mondes, 1er juillet 1900, le Mouvement anti-esclavagiste en France au XIXe siècle.