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sortir les renseignemens qui méritaient d’être retenus. La tâche était longue et ardue ; les bons ouvriers n’y ont point manqué. Partout ils se sont mis à l’œuvre, soit isolément, soit groupés en vue d’études d’ensemble. On a fouillé à fond les archives, les registres des paroisses, les minutes des notaires, relevé tous les actes qui concernaient les artistes : ventes, contrats, inventaires, comptes des abbayes et des municipalités, dépenses des souverains, etc.

En Flandre et en Hollande, les règlemens des corporations de peintres, dites Gildes de Saint Luc, nous ont fait connaître les conditions d’apprentissage, révélé les noms des patrons et de leurs élèves, les dates de certaines de leurs œuvres, leur prix, et les diverses collections par lesquelles elles ont passé. Les journaux tenus par des artistes, leurs livres de comptes, leur correspondance, leurs écrits, les albums ou les Libri Amicorum sur lesquels ils ont tracé des dessins et mis quelques mots de souvenir, les anciennes descriptions des villes, les récits de voyage des amateurs d’art, tout a été recueilli, noté, publié. Ainsi réunies, ces diverses informations ont été coordonnées, rapprochées de celles qui déjà avaient été mentionnées dans les biographies contemporaines. Ecrites le plus souvent par des amis ou des artistes, ces biographies constituaient, un fonds précieux de témoignages dont il fallait discuter les assertions, et vérifier la sincérité. De bonne heure, en effet, des historiens, des curieux ont rassemblé, sur les hommes et les œuvres qui les intéressaient eux-mêmes, tout ce qu’ils croyaient de nature à renseigner utilement le public. On sait le profit que l’archéologie a tiré des écrits de Pausanias et de Pline pour l’étude des monumens de l’antiquité. Dans les temps modernes, à ne citer que les sources d’information les plus importantes : Les Vies des Peintres de Vasari, le Livre des Peintres de Carel van Mander, l’Academia nobilissimæ artis pictoriæ de Sandrart, le Groote Schouburgh d’Arn. Houbraken, les œuvres de Félibien, de Piles, de Mariette, etc., sont des répertoires auxquels il faudra toujours recourir. Mais, malgré le désir qu’avaient ces auteurs d’être véridiques, malgré la persévérance infatigable de leurs investigations, ces divers recueils avaient cependant grand besoin d’être contrôlés, à raison des erreurs, des omissions qu’entraînait un travail aussi délicat, dans lequel, aux faits positifs directement constatés, se mêlaient des communications de seconde main, parfois intéressées ou partiales,