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IX


Crépuscule. Une étoile au Sud. Grillons. Soupir
De l’eau, de l’herbe et de la feuille.
L’Angélus d’un village au loin semble bénir
Le jour mourant qui se recueille.

D’un regard désolé j’embrasse le couchant
Où, plus vagues de lieue en lieue,
Les champs bruns, traversés de rivières d’argent,
Rejoignent la montagne bleue.

Lentement à mes yeux je vois se dérober
Toutes les formes de la plaine,
Et je sens ma raison et mon cœur succomber
Sous une angoisse souveraine.

Toi qui reviens ainsi chaque automne t’asseoir
Devant ce même paysage,
Ne sauras-tu jamais considérer le soir
Avec l’âme forte d’un sage ?

Souviens-toi que le jour sort éternellement
De l’obscurité passagère,
Et ferme ton esprit au noir pressentiment
Que la nuit fourbe te suggère.

A l’Orient poindra demain l’espoir nouveau :
Mon fils, en attendant son heure,
A l’ombre qui t’assiège oppose le flambeau
De la lumière intérieure


XI


Le forgeron, levé dès l’étoile du jour,
A l’heure où tout encore autour de moi sommeille.
Travaille dans sa forge ouverte sur ma cour,
Ombre noire au milieu d’une vapeur vermeille.