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POÉSIE


I


Dans le verger que juin pavoise de cerises,
Trois vierges, de vingt ans à peine, sont assises.
Une immense lumière occupe le ciel blanc.
Un arbre dont les fruits sont bas couvre le banc
Où, tranquilles, la tête en arrière inclinée,
Elles laissent couler l’heureuse matinée.
Caché dans la charmille obscure, je les vois.
Sans pouvoir distinguer les mots, j’entends leurs voix.
D’un mouvement distrait, tout en causant entre elles,
Elles creusent le sol du bout de leurs ombrelles.
Sous le balancement léger des grands chapeaux
Leurs visages baignés d’un demi-jour sont beaux,
Et la fleur de leur âge éclate sur leurs joues.
Leurs bouches, par instans rêveuses, font des moues,
Ou s’ouvrent sur des dents candides en riant.
Une tête se tourne et montre un cou friand,
Et la perle qui brille au lobe de l’oreille
En rehausse la grâce et la nacre vermeille.
L’aérien tissu des étoffes d’été,
Répandu sur ces corps de chaste volupté,
Flotte en nuages frais de la gorge pudique
Aux genoux que la robe insinuante indique.
Il arrive parfois qu’une jupe soudain
Remonte en découvrant un bas de jambe fin.
L’une de ces enfans se lève, et d’une branche
Elle approche son bras qui colore la manche,