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Charles de… sera père un de ces jours. C’est encore une des nouvelles de Saint-Sauveur.

J’aurais en retour bien des choses à vous demander. Il y a près de deux mois que je n’ai lu un journal, ni reçu une lettre de Paris.

Adieu, mon cher collègue. Veuillez faire mettre un petit mot pour me dire où vous êtes, poste restante, à Toulouse, ou bien à l’Hôtel de France ; c’est là que je descendrai.

Mille amitiés et complimens.

PROSPER MERIMEE.


Si brillante que fût sa situation à Toulouse, Lavergne, comme tous les hommes consciens de leur valeur, rêvait de se produire sur un plus grand théâtre ; c’est pourquoi, cédant aux instances de ses amis, il vint s’installer à Paris. Il ne tarda pas à s’y faire une situation dans les lettres. Il était devenu un actif collaborateur de la Revue des Deux Mondes, Il y publiait des études sur l’Espagne, sur la guerre civile et les chefs de parti alors en évidence, Espartero, Cabrera, Gomez. On y trouve aussi un article sur un poème de Jasmin, Francounetto, et un autre sur Mounier et Malouet. Mais la politique avait pour lui des attraits tout-puissans ; dès qu’il le put, il entra d’abord comme rédacteur au ministère de l’Intérieur, puis, en 1840, M. de Rémusat étant devenu titulaire de ce département, le nomma son chef de cabinet. Il entrait en même temps au Conseil d’Etat comme maître des requêtes en service extraordinaire.

Le ministère du 1er mars, dont il suivit la fortune, n’eut pas une longue durée ; il ne dépassa pas huit mois, ce qui était peu pour l’époque. Mais il fut marqué par des événemens de la plus haute importance, dont les deux principaux furent le réveil de la question d’Orient et l’échauffourée du Prince Louis-Bonaparte à Boulogne.

On sait comment la révolte de Mehemet-Ali contre le Sultan et le succès de ses armes en Syrie avaient failli amener une conflagration générale et le renouvellement de la coalition européenne contre la France, qui soutenait la cause du Pacha. Au cours de cette crise, Lavergne entretenait une correspondance suivie avec M. Guizot, alors ambassadeur à Londres, qui l’avait prié de le tenir au courant des fluctuations de l’opinion. Il jugeait la situation avec une sagacité pleine de finesse. Voulant indiquer que l’effervescence belliqueuse de la nation était toute