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l’Aveyron ou de la Haute-Loire, mais nous verrons pourtant de beaux paysages et nous mangerons des cèpes et des fraises excellentes.

Avez-vous des nouvelles de Ch… de… ? On m’écrit de Paris qu’il est parti abruptement pour Albi et je crains que le marquis ne soit malade. Vous m’obligeriez fort de me donner de ses nouvelles à Rodez dans le cas où vous ne pourriez y venir vous-même.

Je suis sans lettres de Paris. Je lis dans les journaux que les badauds se sont étouffés au Champ-de-Mars, pour voir un feu d’artifice, niaiserie dont les Parisiens ne peuvent se lasser. On en tire déjà toutes sortes de vilains présages. On m’a envoyé un portrait de la Princesse que je vous communiquerai si vous ne l’avez vue des yeux de la tête, car vous êtes bien homme à être resté à Paris pour voir les noces. A Fontainebleau, M. de X… a été obligé de coucher avec sa femme, châtiment bien mérité par toutes ses flirtations.

A Rodez donc, j’espère. En » attendant, je suis tout à vous et toto corde.

PROSPER MERIMEE.


Bagnères-de-Bîgorre, 7 août 1838.

Mon cher collègue, seriez-vous, contre votre habitude, dans vos foyers domestiques ? Si, par un heureux hasard que j’ose à peine espérer, vous vous y reposiez de vos courses habituelles, j’aurai sous peu de jours le plaisir de vous y voir et de causer avec vous de rebus omnibus, dont je ne sais plus un mot depuis tantôt deux mois. Je vais d’ici à Saint-Bertrand-de-Comminges, et de là à Toulouse.

On me dit que je passerai sous les fenêtres de M. de Rémusat, mais je ne m’arrêterai pas, ayant un compagnon de voyage qui doit me quitter à Toulouse, et je veux y passer quelques jours avec lui. Depuis Bordeaux, je n’ai vu que des atrocités en fait de monumens. Pour me consoler, je me suis arrêté quelques jours à Saint-Sauveur et je me suis rassasié de montagnes et de glaciers. J’y ai gagné trois ou quatre coups de soleil et autant de milliers de puces.

J’espère qu’avant de vous voir, j’aurai une peau présentable et que mes hôtes se seront noyés dans les bains.

Vous seriez bien aimable de venir avec moi faire une visite à Laffitte, qu’en pensez-vous ? On mange fort mal à Saint-Sauveur et on s’y ennuie à périr. Cependant on y jouit de la présence de M. de Rothschild. M. de Castellane s’est enfui quand il est arrivé, ne voulant pas que deux soleils se trouvassent réunis. Les honnêtes femmes de Cauterets sont toutes indignées de l’audace de M. G… et de M. M… qui leur ont présenté l’autre jour en qualité de légitimes Mlle B… et Mlle S… Ces dames ont dansé la Robert-Macaire au bal de Cauterets.