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de précieuses relations avec des hommes de lettres éminens qui encourageaient ses débuts. C’étaient Ballanche, Mérimée, Ampère, et le plus illustre de tous, Chateaubriand. Lavergne introduit par Ballanche à l’Abbaye-au-Bois y avait été très vite apprécié. Chateaubriand avait pris en gré son jeune confrère. Dans la nombreuse correspondance échangée entre eux, le grand écrivain lui donne des marques, non seulement du plus vif intérêt, mais d’une sincère amitié. On en pourra juger par les lettres suivantes : la première a trait aux Mémoires d’Outre-Tombe, Lavergne avait été convié à entendre la lecture de fragmens inédits de ces Mémoires dans le salon de Mme Récamier et il en avait publié le récit. Chateaubriand le remerciait en ces termes :


Paris, 31 mai 1834.

C’est encore tout ému, Monsieur, de la lecture de votre si brillant article, semé çà et là des plus beaux traits, que je viens vous en témoigner ma reconnaissance ; les remerciemens de l’amour-propre flatté sont ordinairement suspects ; mais les miens ont la franchise de mon pays et la sincérité de ma vie. Mme Récamier, qui sent tout le prix de votre talent et de votre bonne grâce, me charge, Monsieur, de vous dire toute son admiration en vous exprimant la mienne. Encouragé par vous et nos amis communs, je me suis remis à la besogne. J’avais besoin de montrer mes ébauches aux maîtres de l’art, afin de profiter de leurs conseils et de savoir si rien n’était à changer, à corriger dans ma composition.

Maintenant que par la diversité des esprits qui m’ont jugé, j’ai lieu d’espérer que mon monument funèbre est ce qu’il peut être, je vais le replonger dans la nuit et continuer ma sculpture au flambeau.

La correspondance continue à propos du compte rendu que Lavergne avait fait du livre de Chateaubriand sur le Congrès de Vérone.


Paris, mardi 29 mai 1838.

Votre amitié, Monsieur, qui m’a déjà fait trop d’honneur comme poète, veut encore me réhabiliter comme ministre ; elle aura fort à faire. A la publication de mon Congrès de Vérone, commence une nouvelle ère diplomatique ; la diplomatie, jusqu’ici stationnaire, a fait un pas ; il ne sera plus possible de s’enfermer dans un silence que les gouvernemens publics ne permettent plus et de s’envelopper dans des mystères que les journaux et la tribune ont divulgués six mois d’avance. On sera obligé aussi de convenir que les traités de Vienne sont