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le siège de la plus ancienne Académie de France, l’Académie des Jeux floraux, dont les prix justement réputés excitaient dans la jeunesse de cette région une vive émulation. Lavergne les obtint tous successivement, et, en 1840, il était décoré du titre très envié de Mainteneur.

La littérature ne donne, en général, que des fruits tardifs, et, en attendant, il fallait vivre. Mme de Lavergne avait ouvert un magasin de librairie, auquel son fils adjoignit une imprimerie. Cette combinaison avait l’avantage de lui permettre de fonder un journal qui fut l’un des instrumens de sa fortune politique : le Journal de Toulouse. Mais la direction de cette feuille, qui ne tarda pas à obtenir dans la région une grande influence, ne l’absorbait pas tout entier ; doué d’une grande activité et d’une rare facilité de plume, il écrivait de nombreux articles dans les journaux locaux et notamment dans la Revue du Midi.

Déjà la politique extérieure l’attirait : il étudiait plus particulièrement la question espagnole, si brûlante alors ; on était au plus fort de la guerre carliste.

Toulouse était un centre pour les réfugiés chassés de leur patrie par les troubles de la Péninsule. Lavergne possédait à fond la langue castillane ; il fut, grâce à ses études sur l’Espagne, introduit dans cette société et il y contracta des amitiés précieuses. C’est de là que datent ses relations avec M. Mon, le futur ministre des Finances de la reine Isabelle, avec Donoso Cortès, plus tard marquis de Valdegamas, l’un des plus brillans orateurs de la tribune espagnole, avec Narvaez, qui n’était pas encore le duc de Valence. Une maison également lui fut ouverte, hospitalière entre toutes aux hommes de lettres français, celle du comte et de la comtesse de Montijo. Admis dans leur intimité, il admirait les grâces naissantes de leurs deux filles, dont la plus jeune ne prévoyait guère la destinée à la fois éclatante et tragique qui l’attendait, et n’était à cette époque qu’une délicieuse enfant.

Un autre salon attirait Lavergne : celui de M. de Rémusat, l’un des hommes politiques le plus en vue du gouvernement de Juillet. M. de Rémusat s’était pris d’amitié pour le jeune écrivain et lui accordait un patronage affectueux, dont Lavergne lui a été reconnaissant toute sa vie.

Dès cette époque, et bien qu’il séjournât le plus souvent à Toulouse, il faisait de fréquens voyages à Paris ; il y avait noué