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l’homme d’État ; il n’a pu se révéler sous cet aspect ; il demeure, aux yeux du monde intellectuel, l’économiste, le savant, le brillant théoricien de l’Agriculture. Ce n’est pas tout Lavergne, mais c’en est assez pour son renom et l’éclat de sa mémoire.

Louis-Gabriel-Léonce Guilhaud de Lavergne était né à Bergerac, le 24 janvier 1809. Dans une notice destinée à sa famille, il nous fait connaître son origine en ces termes :


Mon grand-père était propriétaire à Saint-Laurent-de-Ceris, arrondissement de Confolens (Charente), et avocat.

Il appartenait à cette portion du Tiers-État qui prit au commencement de la Révolution la direction du mouvement. Il fut un des rédacteurs des Cahiers de son ordre et joua un rôle actif dans les élections de l’Assemblée constituante. Il s’appelait Guilhaud du Cluzeau.

Il eut plusieurs enfans mâles et, suivant l’usage du temps et du pays, chacun d’eux se distingua par un nom de terre. C’est ainsi que mon père s’appela Guilhaud de Lavergne.

Un frère de mon père, qu’on appelait Guilhaud de Létanche, fut élu député de Montmorillon (Vienne) à l’Assemblée législative de 1791. Il fut proscrit au 10 août et obligé de se cacher pendant la Terreur. Cinq de mes oncles émigrèrent. Deux moururent en émigration. La famille entière eut à subir les lois terribles rendues contre les émigrés et parens d’émigrés.

Mon père était le plus jeune des fils. Surpris par cette tempête, il chercha un refuge dans les emplois publics. Il était employé dans les contributions, quand il épousa à Montmorillon, en l’an X, Mlle Duguet, fille d’un propriétaire du pays.

Un changement de résidence le conduisit à Bergerac (Dordogne), où je naquis le 24 janvier 1809. Un autre changement, car ils étaient fréquens à cette époque, les appela à Toulouse. C’est là que j’ai été élevé.

Le modeste avoir de mes parens, déjà fort réduit par ces déplacemens successifs, acheva de se perdre dans un essai d’exploitation de mine dans les Pyrénées.

Mon enfance se passa dans une véritable gêne. La tendresse de ma mère y suppléa.


Au collège de Toulouse, où il faisait ses études, Lavergne remporta d’éclatans succès. Puis il fit son droit ; mais ses goûts ne le portaient point vers les carrières juridiques ; les lettres avaient toutes ses prédilections. La ville de Toulouse offrait sous ce rapport aux jeunes talens de précieuses ressources. Elle était