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cela les renseignemens sont venus si lentement, si incomplètement, la diffusion en a été si difficile et si lente que jamais l’opinion ne s’est trouvée prête à faire, en temps voulu, les efforts nécessaires. Toute l’histoire de notre premier empire exotique tient dans cette déplorable constatation. Et il s’en est fallu de bien peu que l’histoire du second ne s’y enfermât également ! Vous rappelez-vous les sarcasmes par lesquels les députés encouragèrent à leur façon l’expédition de Tunisie ?… Et les folles clameurs, et les votes d’évacuation que suscita la conquête du Tonkin, en avez-vous perdu le souvenir ? Lisez l’Officiel ; vous reconnaîtrez que les préventions qui ont stérilisé les efforts des Lally-Tollendal et des Kerlerec ne sont pas mortes avec leurs juges.

Et maintenant, serait-ce trop demander à une nation soucieuse du sang versé et des labeurs endurés pour elle, serait-ce trop demander à une capitale qui possède un Shakspeare, et plusieurs Washington, qu’un monument s’élève enfin en l’honneur du héros de l’Amérique française : un monument sur lequel, à l’ombre des grands noms de Montcalm et de La Salle, prendraient rang tous les ouvriers de la colossale entreprise dont les débris, partout visibles le long du Saint-Laurent et du Mississipi, attestent la force et l’universalité de notre génie national ?


Pierre de Coubertin.