Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rôle dans l’histoire générale de l’art ? Cet art lui-même, quelles sont ses plus éclatantes manifestations ? Quels liens les rattachent entre elles ? et, dans le cours des siècles, quelles circonstances religieuses, politiques ou morales ont pu déterminer son apparition ou favoriser ses progrès ? Toutes ces questions, et bien d’autres encore qui viennent à l’esprit, montrent assez à quel point l’histoire de l’art, celle d’une école et celle même d’un seul artiste sont des études vivantes, faites non pas d’abstractions, mais de recherches étendues et d’informations précises. Bien des mystères y subsisteront toujours qui ne sauraient être complètement éclaircis, mais qui, avec le temps, peuvent du moins recevoir une lumière de plus en plus grande.

Ces études si touffues, comment les aborder ? Comment se reconnaître parmi des recherches si diverses, mais également nécessaires ? Si le champ est vaste, si, même dans les parties les mieux connues de l’histoire de l’art, on sent qu’il y a toujours à trouver et à apprendre, il n’est que juste d’ajouter que les satisfactions les plus vives sont réservées à tous les travailleurs sincères ; que la variété même de ces recherches doit entretenir et stimuler leur ardeur ; et que le savoir, au lieu de dessécher le sentiment, ne peut qu’ouvrir l’esprit, fortifier le goût et former cette critique à la fois sûre, prudente et enthousiaste, toujours vivante comme l’objet qu’elle poursuit, telle en un mot que notre époque a le droit de la réclamer.

Parmi toutes les ressources d’étude offertes à la critique d’art, les musées constituent pour elle le champ d’observation le plus intéressant et le plus riche. Or, ces musées sont de création relativement récente, et c’est là une des causes les plus certaines des longs retards qu’a subis l’élaboration de l’histoire de l’art. Les plus anciens datent à peine du commencement du siècle dernier, et leur installation, les soins que réclame la conservation des œuvres qu’ils renferment, leur classement, les catalogues qui permettent de s’y orienter, laissent encore, même de notre temps, bien à désirer. Si quelques-uns de ces musées, nouvellement construits, peuvent être cités comme des modèles, combien d’autres présentent de nombreuses et regrettables défectuosités : notre Louvre surtout, ce magnifique palais qui, détourné de son affectation primitive, n’offre aucune des conditions de lumière et d’appropriation qui conviendraient à sa destination présente ! Encore convient-il de remarquer qu’à tous ces