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réclameraient avec une si légitime fierté. La vérité est que Saint-Louis, ayant vainement disputé à Chicago, il y a dix ans, l’honneur de posséder la World’s Fair, entend aujourd’hui prendre sa revanche. L’occasion a paru bonne à d’audacieux citoyens ; un homme s’est rencontré que sa féconde et énergique activité désignait pour assumer la direction de l’entreprise. On s’est mis à l’œuvre. L’univers a été averti des merveilles qui se préparaient et convié à y prendre part. Malgré tous les désavantages de lieu et de climat que pouvait présenter Saint-Louis, le succès s’annonce considérable.

Naturellement, les organisateurs se sont appuyés sur la France et se sont servis de son nom, puisque la circonstance s’y prêtait. Autour de ce centenaire, auquel, nous autres, nous ne songions guère, ils ont fait une « réclame » retentissante. Ils ont largement vanté notre généreuse abnégation. Trois lignes dans les manuels satisfaisaient jusqu’à présent notre propre curiosité à l’égard de la cession : Bonaparte, nous disaient-ils, jugeant qu’il ne pouvait défendre la Louisiane, et craignant par-dessus tout de la voir tomber entre les mains des Anglais, la vendit aux États-Unis. Or, cette simple transaction change tout à fait d’aspect dès qu’on l’examine à l’aide du télescope qu’a dressé l’enthousiasme transatlantique. Les Américains n’ont pas craint de proclamer récemment qu’en leur cédant la Louisiane, nous avions contribué à une seconde fondation de leur patrie. Et c’est la vérité. L’énorme république a été, si l’on peut ainsi dire, fondée quatre fois : — par la guerre de l’Indépendance ; — par l’acquisition de la Louisiane ; — par le traité de Guadalupe-Hidalgo, qui lui assura la Californie et le Nouveau-Mexique au lendemain du jour où elle venait d’acquérir le Texas ; — enfin, par la guerre de Sécession, qui engendra son unité morale en restaurant son unité matérielle.

Ce qui n’empêche que, si la célébration du centenaire de 1803 avait revêtu un caractère purement national et était restée localisée à la Nouvelle-Orléans, nul n’aurait songé à nous adresser des remerciemens si flatteurs, encore que pleinement justifiés : on n’aurait pas éprouvé le besoin de grandir rétrospectivement le territoire louisianais jusqu’à y comprendre le lointain village que deux traitans en fourrures, Laclède et Pierre Chouteau, fondèrent en 1764 ; que la robuste gaîté de nos soldats affamés baptisa du pittoresque sobriquet de Paincourt ; et qui est devenu la riche et populeuse cité où vont s’assembler les représentans de