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piste. Le bruit de l’évasion s’était propagé depuis Paris avec une incroyable rapidité et le passage de Bayon avait jeté l’émoi sur toute la route. A Bondy, premier relais, on enquêtait déjà et les informations recueillies étaient bien étranges.

Le brigadier de la gendarmerie nationale de Pantin avait reçu la veille, 20 juin, l’ordre de mobiliser toute sa brigade et d’aller se joindre, sur la route, aux brigades de Bondy, La Villette et Ménilmontant. Ce petit corps d’armée, — trente ou quarante cavaliers au moins, — s’était rassemblé chez un marchand de vin nommé Desbille, au lieu-dit la Petite-Villette. A onze heures, ces quatre brigades s’étaient dirigées vers les carrières de Montfaucon pour y opérer une perquisition, — perquisition qui n’avait donné, du reste, aucun résultat.

En rentrant vers deux heures du matin à Pantin avec ses hommes, le brigadier Vautier avait croisé sur le pavé « une voiture à quatre chevaux sur laquelle était une bâche, et qui allait au grand trot vers Meaux. »

Maintenant que l’on savait presque avec certitude que le Roi avait pris la route de Meaux, on en concluait que cette voiture était la sienne et que le brigadier Vautier avait laissé échapper une belle occasion de se signaler. C’était en effet la berline royale attelée des quatre chevaux de Fersen, que conduisait lui-même le gentilhomme suédois, vêtu d’un habit de cocher. Quant à la mobilisation des gendarmes, les opinions se partageaient. D’aucuns opinaient qu’on les avait expédiés à Montfaucon, sous prétexte de perquisition, afin de dégager la route et d’éloigner leur surveillance ; d’autres estimaient qu’on avait au contraire armé la maréchaussée pour disposer d’elle en cas de besoin.

De cet avis était un manouvrier d’Andilly, Fournier, qui, traversant, dans la nuit, le grand chemin de Pantin « avait vu trois cavaliers de la maréchaussée formant la chaîne le long de la route, depuis la traverse du chemin des Vertus jusqu’à la porte de M. Tiphaine, maire de Pantin. » L’un des cavaliers, l’ayant aperçu « était venu sur lui, le sabre à la main et lui avait demandé : — Où vas-tu ? » Fournier, pour toute réponse, s’était jeté dans le chemin des Prés Saint-Gervais ; mais à ce moment passait sur la route « une grande berline pleine de personnes, » — et Fournier entendit l’un des voyageurs, se penchant par la portière, crier au conducteur « vêtu d’une redingote : » — « Une roue sur terre ! nous ferons moins de bruit et nous serons moins