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LE
RETOUR DE VARENNES
JUIN 1791

I
LA POURSUITE

L’homme le plus ébahi de France, le 21 juin 1791, fut assurément le sieur Lemoine, valet de chambre de Louis XVI. Il avait, la veille, aux Tuileries, aidé le Roi à monter dans son lit, dont il avait soigneusement fermé les rideaux ; puis comme il était de service dans la chambre même, où il couchait sur un lit de sangle dressé derrière un paravent, il avait clos les volets, poussé les verrous intérieurs des portes[1], allumé le « mortier de nuit ; » il s’était déshabillé sans bruit, avait attaché, ainsi qu’il le faisait chaque soir, à portée de la main du Roi, le cordon d’appel dont l’autre extrémité était enroulée à son bras, et s’était endormi vers minuit et demie.

A sept heures du matin, il écarta les volets, alla sur la pointe du pied ouvrir la porte aux garçons de chambre, Hubert et Marquant[2], et quand tous deux, avec précaution, eurent replié le

  1. « Lemoine avait mis les verrous intérieurement comme d’usage. » — Déclarations de E. A. Marquant. Archives nationales D. XXIXb 36.
  2. Pierre Hubert, garçon du château, 52 ans, passait la nuit dans la salle de billard. Louis-Antoine Marquant, 46 ans, secrétaire de la chambre du Roi, et garçon de sa chambre, couchait dans le salon du Conseil « qui tenait à la chambre du Roi, mais en était séparé par une double porte. » Archives nationales D XXIXb 36.