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députation de patriotes liégeois et nommé peu après premier commis au ministère des Relations extérieures, il était, depuis plus de six mois, dans les bureaux quand la révolution du 10 août le bombarda ministre des Affaires étrangères. Dès lors, tout changea dans son existence : bien plus qu’aucune des situations qu’il avait auparavant occupées, celle-là lui convenait, trouvait-il ; les chevaux du roi étaient à ses ordres ; c’était dans le palais du roi, dans l’ancienne chambre à coucher du roi, — bien que le lit du roi y fût encore[1], — qu’il venait, à son tour, présider le Conseil exécutif ; c’est de là qu’avec importance il sortait pour aller, au nom de la nation française, rédiger des dépêches en ce style dont il se flattait à bon droit qu’aucun ministre ne s’était encore servi avant lui.

En décachetant sa lettre, la citoyenne Montansier eut un battement de cœur d’émotion, suivi bien vite d’un transport d’allégresse : ses vœux pouvaient-ils être plus vite exaucés ? Elle ne put s’empêcher, « rendant offre pour offre et serment pour serment, » d’écrire bien vite au galant homme d’État pour lui affirmer les sentimens de gratitude dont elle se sentait pénétrée :

« Digne citoyen ministre, lui disait-elle, je reçois votre seconde lettre et je la relis pour me bien convaincre que ce n’est point une illusion. Combien vos expressions, vos procédés sont aimables ! Combien j’en suis touchée ! Comment vous peindre ma gratitude ! Ah ! quand l’intérêt de la chose publique vous inspire autant de bienveillance pour des frères, qu’il est beau de se trouver républicaine et d’avoir, en ses ministres, de véritables pères ! Vous m’invitez d’aller causer avec vous de mes intérêts ; quel contraste avec ce que j’ai vu ! J’irai donc, mais quand ? Ce soir, je pourrais vous contrarier… Demain c’est vendredi !… Et toute ma vie j’ai conservé la faiblesse de n’oser faire un pas ce jour-là pour ce qui m’intéresse. Je vaincrai cette petitesse : sous votre égide, je ne dois éprouver que de la confiance, qu’envisager la plus flatteuse perspective. Daignez me dire votre heure et recevoir d’avance l’hommage bien affectueux de ma reconnaissance et de mon respect fraternel[2]. »


Comme un général à la tête de son armée, la Montansier, conduisant sa troupe, lit son entrée à Bruxelles, le mercredi 2 janvier, à neuf heures du matin, un mois et demi après Dumouriez.

Il s’agissait de trouver une salle pour ses spectacles ; il y en avait

  1. F. Masson, le Département des Affaires étrangères pendant la Révolution.
  2. F1° 11 dossier 5. La lettre est signée : demontansier.