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déclaraient-ils en des factums répandus à profusion, les Français armés, les Français libres viendront bientôt dans la terre que vous habitez ; ils vous tendront la main et ils vous diront : « Nous venons vous aider à secouer le joug de vos tyrans. Quand vous serez libres faites-vous des lois ; nous ne voulons pas en donner à nos voisins, nous avons renoncé à toute conquête[1]… »

Aussi quand, après l’éclatante victoire de Jemmapes, Dumouriez se mit en marche vers Bruxelles, marchait-il accompagné partout des vœux enthousiastes de toute la population.

Le 11 novembre au soir, on avait campé en une vaste plaine, en vue des hauteurs d’Anderlecht. Le lendemain matin, s’il faut en croire une tradition, la joyeuse affiche suivante était, au réveil, distribuée aux troupes :

« Par autorisation du général en chef, la troupe des Artistes patriotes, sous la direction de Mlle Montansier, donnera aujourd’hui 12 novembre 1792, devant l’ennemi : La République Française, cantate chantée par MM. Elleviou, etc., La Danse Autrichienne, ou le moulin de Jemmapes, ballet arrangé par M. Gallet… Cette pièce sera terminée par une Sauteuse exécutée par les Autrichiens.

« Avis : Le public est prié de ne pas oublier que ces Autrichiens seront des Français ainsi déguisés pour les besoins de la représentation.

« Le Désespoir de Jocrisse, pièce de M. Dorvigny, jouée par MM. Baptiste Cadet, Durand, etc.. et par le petit Truffaut, tambour à la 27e. Le spectacle se terminera par un feu d’artifice tiré par les canonniers de la 1re batterie. Musique du bataillon de la Deule. La plaine sera ouverte depuis le matin. Le spectacle commencera à deux heures[2]. »

En dépit d’une si affriolante annonce, le spectacle ne devait pas avoir lieu : dans la journée du 12 novembre, c’est aux canons seuls

  1. Archives des Affaires étrangères. Pays-Bas, vol. 183, fol. 361.
  2. Cette tradition malheureusement, loin d’être confirmée, se trouve formellement contredite par l’histoire.
    Nous avons soumis le texte de cette affiche (reproduite par tous ceux qui ont écrit sur la Montansier sans qu’aucun d’eux indique où se trouve l’original) a l’examen du juge le plus compétent qui soit en cette matière, l’auteur des belles études sur les guerres de la Révolution, M. Arthur Chuquet. Voici la réponse qu’il a bien voulu nous donner : « L’affiche est fausse. Le 12 novembre, l’armée est en marche et elle combat ; il n’y a pas encore de 27e (demi-brigade) ; on cite alors les batteries par le nom de leur capitaine ; il n’y a pas de bataillon de la Deule. »
    Nous avons tenu toutefois à laisser figurer cette légende en cet article, mais à titre de légende seulement, parce qu’elle a servi de texte a la pièce de MM. Robert de Fiers, de Caillavet et Jeoffrin.