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villes de la côte et les campagnes se peuplaient, il fallait procurer aux nouveaux émigrans des territoires à exploiter. De là des colonnes d’exploration, envoyées par les gouvernemens espagnol et portugais, dans le « Hinterland » et qui étaient d’ordinaire accompagnées de prêtres. C’est ainsi que, le vice-roi de Quito en ayant dirigé une dans le bassin du fleuve des Amazones (1639), le Père Cristoval d’Acuña, missionnaire portugais qui la suivit, a pu consigner les premières données exactes sur ce fleuve magnifique, dans un ouvrage imprimé deux ans après et qui est devenu rarissime : Nuevo descubrimiento del gran rio de las Amazonas (Madrid, 1641). Plus tard, la province de l’Equateur fut visitée par le franciscain Jodoce Rixi, qui y introduisit la graine de froment et, par là, quintupla la production agricole de ce pays. Après la reprise de la Guyane française sur les Hollandais par d’Estrées, des missionnaires catholiques vinrent s’y établir ; le Père Lombard (décembre 1676) fonda une station à l’embouchure de la rivière Kourou, et d’autres se répartirent la vallée de l’Oyapok. Les récits de ces religieux, les Pères Lombard, Pelkprat, Grillet, publiés à Paris, 1857, ont fourni à nos géographes et aussi à nos ingénieurs des mines un contingent précieux d’informations[1].

La géographie de l’Amérique du Nord doit plus encore aux travaux des missionnaires, et surtout, des catholiques français. Les missions des Jésuites au Canada sont les plus connues, parce qu’ils ont eu soin d’envoyer régulièrement à Paris des relations qui furent publiées au fur et à mesure[2] ; mais leurs précurseurs, les Récollets, moins brillans qu’eux, ont eu d’autant plus de mérite qu’ils ont fait le travail ingrat de pionniers. Ces moines, qui forment une branche de l’ordre de Saint-François, accompagnèrent Champlain, dès 1615, dans ses voyages d’exploration du fleuve Saint-Laurent. On doit au Père Sagard, récollet, une description exacte du pays et des mœurs des Hurons et des Iroquois[3]. Le Père Sixte Le Tac, son confrère, a laissé une Histoire de la Nouvelle France au Canada, de 1504 à 1632[4]. Mais

  1. L’abbé Durand, la Guyane française et le Brésil agricole et commercial, Paris, 1874.
  2. Relations des Jésuites, contenant ce qui s’est passé de plus remarquable aux Missions des PP. de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France (de 1626 à 1672). Québec, 1838, 3 vol. in-8o.
  3. Grand voyage au pays des Hurons, Paris, 1632, 2 vol.
  4. Cette relation, écrite à Terre-Neuve, en 1691, a été rapportée en France, à la maison mère des Récollets, à Versailles, où elle est restée inédite. Puis, elle fut versée aux Archives de Seine-et-Oise, où M. Eug. Réveillaud l’a retrouvée et publiée à Paris, en 1888.