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à moi, je supporterais plus facilement l’infortune qui m’a frappé, si j’étais seul à en souffrir ; mais mon armée, mais mon pays, dans quelle triste situation je les ai laissés ! Il faut cependant se roidir contre le malheur, tout en se soumettant aux décrets de la Providence. »


La dernière lettre, celle qui clôt la correspondance entre Napoléon III et le général Dufour, est datée de l’île de Wight, le 30 août 1872. L’exilé n’avait plus que cinq mois à vivre : on sait qu’il mourut à Chislehurst le 9 janvier 1873.


« Vous savez, dit-il, combien vos lettres me font plaisir ; aussi n’ai-je pas besoin de vous dire l’accueil que j’ai fait aux vœux que vous m’exprimez pour le 15 août. Quoique l’état des choses soit peu encourageant, j’espère du moins que vous vivrez assez pour voir notre pays sortir de l’état de confusion et d’abattement où il est plongé.

Nous sommes ici au bord de la mer, où la belle nature nous console de l’inconstance des hommes. »


Le général Dufour, qui avait alors plus de quatre-vingt-cinq ans, devait survivre encore deux ans et demi à son ancien élève. La mort de celui-ci fut pour lui un véritable chagrin. Dans son cabinet de travail, il aimait à s’entourer de souvenirs napoléoniens ; et c’est là, devant les portraits du grand Empereur et de son neveu, que nous avons eu le privilège de transcrire les lettres qu’on vient de lire. Si peut-être cette correspondance n’ajoute rien d’essentiel à l’histoire du second Empire, du moins permet-elle de pénétrer plus intimement dans la connaissance du caractère et des sentimens de Napoléon III. C’est à ce titre qu’il nous a paru intéressant de la publier.


EUGENE DE BUDE.