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NAPOLÉON III
ET
LE GÉNÉRAL DUFOUR
D’APRÈS UNE CORRESPONDANCE INÉDITE (1830-1872]

Quand la reine Hortense, réfugiée en Suisse, eut besoin d’un précepteur pour le jeune prince Louis-Napoléon, elle songea tout d’abord à un Genevois, ancien soldat de l’Empereur et dont le dévouement à la cause bonapartiste lui était connu. Les démarches faites à ce moment ne purent aboutir ; mais elles furent l’origine de relations cordiales entre le neveu de Napoléon et l’officier suisse connu sous le nom de général Dufour.

Avant de reproduire ici les lettres[1] que Napoléon III adressait à Dufour, il est bon de rappeler en quelques mots la carrière de ce dernier.

Né en 1787 dans le grand-duché de Bade, à Constance, où sa famille, d’origine genevoise, avait émigré pour des raisons politiques, Guillaume-Henri Dufour vint à Genève à l’âge de trois ans, et c’est là qu’il fit son éducation. Tout enfant, il montrait un goût très vif pour les exercices militaires. C’est avec une vraie passion qu’il suivait les manœuvres des recrues françaises entrées récemment à Genève. On sait qu’en 1798 cette ville avait été incorporée à la France avec le titre de chef-lieu du département du Léman.

A l’âge de vingt ans, il réussit à entrer à l’École polytechnique de Paris, où il passa deux années. Puis après un court séjour à l’École pratique de Metz, il fut envoyé à Corfou, en qualité de lieutenant du génie, afin de protéger cette île, limite extrême, à l’Orient, de l’empire

  1. Ces lettres (ont été conservées soigneusement par la famille du général Dufour, et nous tenons à la remercier ici de l’amabilité avec laquelle elle nous a permis de puiser dans ce précieux dépôt.