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son projet d’entreprendre une grande série de voyages, afin de révéler aux hommes cette preuve éclatante de la grâce d’en haut : à tous les hommes en général, mais particulièrement aux empereurs, rois, et princes, comme ayant à la fois le plus de loisirs pour s’intéresser à de tels miracles, et les meilleurs moyens d’en témoigner leur satisfaction. Dès le mois de janvier 1762, il conduisit ses deux enfans à Munich, qui était la résidence princière la plus proche de Salzbourg ; voyage dont nous savons seulement qu’il dura trois semaines, et que, à Munich, le petit Wolfgang eut l’honneur de jouer devant le prince-électeur. En revanche, huit lettres de Léopold Mozart à son propriétaire et ami Laurent Hagenauer nous renseignent très abondamment sur le séjour que fit ensuite toute la famille à Vienne, du milieu de septembre 1762 jusqu’au commencement de l’année suivante ; et tous les biographes ont volontiers insisté sur ce premier séjour de l’enfant prodige à Vienne, nous racontant par le menu ses tours de force musicaux et ses traits d’esprit. Je vais devoir les raconter, à mon tour ; mais je le ferai le plus brièvement possible, et presque à regret, car, de tous les voyages de Mozart, celui-là, avec l’excursion à Munich qui l’a précédé, est le seul qui n’ait vraiment pour nous qu’un intérêt tout anecdotique. L’enfant, alors, était encore trop un enfant pour tirer profit des hommes ou des œuvres qu’il trouvait sur sa route ; tandis qu’on peut bien affirmer que, depuis son arrivée à Paris, en novembre 1763, il n’y a pas si petit événement de sa vie, voyage, rencontre, audition ou lecture nouvelle, dont sa musique n’ait gardé quelque trace ; — et c’est même, soit dit en passant, ce mélange singulier d’une personnalité immuable avec une constante impressionnabilité aux influences extérieures, c’est ce qui donne un attrait tout spécial à l’étude chronologique de sa vie et de ses ouvrages. Mais, à Vienne, durant ce premier séjour, il n’a rien fait que d’aller jouer tous les soirs, de salon en salon, les agréables niaiseries que lui avait enseignées son père. L’histoire de ce séjour ne nous apprend, sur lui, rien qui mérite de nous arrêter ; à moins qu’on ne veuille y voir une preuve de plus du caractère surnaturel de sa vocation, en admirant qu’un pareil surmenage, aussi inepte et aussi fastidieux, n’ait réussi ni à corrompre la pureté ingénue de sa petite âme, ni à tarir pour toujours la source de beauté qui, tout récemment, en avait jailli.

Et le fait est que cette source s’est, tout au moins, trouvée