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diverses, quelque ennui qu’il eût toujours à devoir s’interrompre de sa chère musique. Parfois même l’une d’elles, à son tour, le passionnait brusquement, à tel point qu’on le voyait, par exemple, pendant des journées, remplir déchiffres non seulement tous les papiers qu’il pouvait trouver, mais, « une craie en main » en remplir les tables, les bancs, les murs, les planchers des chambres : » après quoi, fort heureusement, un nouveau menuet qui lui était venu en tête lui faisait oublier jusqu’à l’existence de l’arithmétique.

Quant à la doctrine proprement musicale que Mozart à apprise de son père, nous aurons mieux l’occasion de la connaître au fur et à mesure que lui-même se trouvera amené à en faire usage, soit comme exécutant soit comme compositeur. Il faut ajouter du reste que, à ce point de vue, l’influence des leçons paternelles a été sur lui tout à fait passagère. Bientôt d’autres maîtres allaient s’offrir à lui qui, directement ou par l’exemple de leurs œuvres, allaient lui enseigner une science plus vivante ; et l’on peut bien dire que, grâce à eux, dès l’âge de douze ans, il allait savoir plus de musique, infiniment plus, que n’en savait, à quarante-cinq ans, le digne auteur de l’Ecole du violon. Celui-ci, passée l’étude des premiers rudimens, a toujours été pour son fils moins un véritable professeur qu’une sorte de tuteur, un guide, un directeur de conscience. Avec un très délicat sentiment de son infériorité, et devinant peut-être par quelle phase de transformation radicale passait alors la musique, il a permis au petit Wolfgang de faire un libre choix entre les styles différens qu’il rencontrait autour de lui, sauf seulement à lui rappeler, en toute circonstance, les précieux principes moraux dont il l’avait nourri. Mais, au-dessus du détail de la doctrine musicale, il y a encore un autre principe, non moins essentiel, et de non moins haute portée, que Léopold Mozart a enseigné à son fils, ou plutôt qu’il a pour toujours implanté au plus profond de l’âme de l’enfant : c’est, en effet, de lui qu’est certainement venue à Mozart la façon qu’il a toujours eue de comprendre le rôle, l’objet, les devoirs de la musique.


La musique, pour le maître de concert salzbourgeois, était proprement un langage, un ensemble de signes destinés à traduire tous les modes et toutes les nuances des émotions humaines. L’expression y passait de droit avant tout le reste ; la