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conduite, qui devait avoir pour objet, d’une part, de reconnaître le miracle, en le faisant fructifier aussi pleinement que possible, et, d’autre part, de le proclamer, de le produire devant le monde, tant pour l’édification de celui-ci que pour le profit matériel de l’enfant et de sa famille. Il voulait que, par une éducation méthodique de tous les instans, le petit Wolfgang ornât et développât le génie extraordinaire qu’il portait en lui, afin de devenir vraiment un musicien sans pareil ; et il voulait en outre que tous les hommes pussent voir, entendre, toucher au doigt, un gage aussi évident de la grâce divine. De telle sorte que, dès 1762, il renonça décidément à la composition (ce qui prouve bien encore qu’elle ne lui tenait pas très à cœur), il renonça à toutes ses autres leçons, pour ne plus s’occuper que d’instruire ses deux enfans : car Marianne, piquée d’émulation, s’était mise, de son côté, à étudier assidûment la musique, et, — grâce surtout aux leçons de son frère, comme elle l’a ensuite elle-même affirmé, — commençait à faire de sérieux progrès. Ce fut également alors. sans aucun doute, que l’auteur de l’École du violon eut pour la première fois l’idée de recueillir les élémens d’un livre où il raconterait en grand détail, presque jour par jour, les phases successives du miracle dont il était témoin ; et bien que malheureusement, faute de temps, il n’ait jamais écrit le livre en question, dont ses lettres nous prouvent qu’il nourrissait encore le projet cinq ou six ans plus tard, nous n’en devons pas moins à ce projet de posséder aujourd’hui, dans le précieux cahier dont j’ai parlé tout à l’heure, la copie des premiers morceaux appris par Mozart, puis des premiers morceaux composés par lui. Mais, d’ailleurs, Léopold Mozart, pour étaler aux yeux de tous le génie de son fils, n’allait point tarder à imaginer un autre moyen, plus direct, plus pratique, et d’un effet moins durable, peut-être, mais infiniment plus sûr et plus lucratif : une série de voyages, de séjours dans les principales résidences princières et les grandes villes de l’Europe. Cette éducation continue et ces exhibitions, en elles va se résumer, désormais, toute l’histoire de l’enfance de Wolfgang Mozart.


III. — L’EDUCATION

Le maître de concert salzbourgeois aurait été bien surpris, sans doute, si on lui avait dit qu’un des traits les plus