Les compositions de Léopold Mozart, coûtant, les unes, « un maxdor, » d’autres « un ducat, » d’autres « un thaler, » avaient autant et peut-être plus d’acheteurs que n’allaient en avoir, plus tard, celles de son fils. La plus célèbre société musicale de l’Allemagne songeait à l’admettre au nombre de ses « membres correspondans. » Et son École du violon, surtout, qui se trouvait alors sous presse chez un imprimeur d’Augsbourg, allait être aussitôt accueillie avec une faveur extraordinaire[1].
Faveur qui, par hasard, se trouvait justifiée : car la méthode de violon du maître de concert salzbourgeois était, dans son genre, un véritable chef-d’œuvre. J’aurai à m’en occuper plus en détail tout à l’heure, pour y chercher les principes généraux qui ont constitué la première éducation musicale de Wolfgang Mozart : mais, à ne juger même le livre que sur sa forme, sur son plan, sa distribution, et son style, rarement on a écrit, avant ou après Léopold Mozart, une « méthode » plus claire, mieux ordonnée dans toutes ses parties, plus simple et en même temps plus complète, plus plaisante à lire et plus instructive. Évidemment inspirée de l’ouvrage capital de Philippe-Emmanuel Bach, Essai sur la vraie manière de jouer du clavecin, qui avait paru à Berlin en 1753, et, d’ailleurs, fort au-dessous de son modèle pour l’originalité et la portée de sa doctrine, elle le dépassait de beaucoup au double point de vue de l’agrément littéraire et de l’utilité pratique. Léopold Mozart y avait mis toute son âme, qui était, comme je l’ai dit, celle d’un parfait professeur. Après avoir longuement travaillé à l’écrire, il en avait encore surveillé l’impression avec un soin minutieux : infatigable à corriger jusqu’aux moindres fautes d’orthographe ou de ponctuation, et tantôt substituant à un mot un autre mot plus précis, tantôt améliorant un exemple ou un exercice[2]. Il avait mis en tête du volume une longue dédicace, où, avec mille éloges de l’archevêque régnant, il suppliait celui-ci de daigner continuer sa protection à l’auteur, à sa famille, et à tout le « chœur musical » de Salzbourg. Et, pour orner le volume, il avait fait graver sur cuivre quatre belles planches, qui ont dû, plus tard, j’imagine, amuser maintes fois le petit Wolfgang pendant qu’il apprenait le violon