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du comte de Turn-et-Taxis, président du consistoire de la cathédrale. En 1741, il compose, pour le carême, la musique d’un oratorio, le Christ enseveli, sur un poème du P. Marianus Wimmer. Et, deux ans après, en 1743, l’archevêque Léopold Firmian le reçoit dans sa « chapelle[1]. » C’est ainsi que, d’étape en étape, nous le voyons arriver à la musique, ou plutôt y revenir : mais pourquoi ces tâtonnemens ? pourquoi ce retour à une profession naguère dédaignée ? Lui-même nous l’explique, je crois, dans une lettre écrite de Milan, le 21 novembre 1772, à sa femme, qui était restée à Salzbourg. Il se félicite, dans cette lettre, de « l’heureuse pensée qu’il a eue de se marier, » vingt-cinq ans auparavant ; et il ajoute : « Cette pensée, nous l’avions, tous les deux, depuis déjà bien des années ; mais les bonnes choses demandent du temps. » Bien des années avant son mariage, qui avait eu lieu en 1747, le jeune étudiant s’était épris d’une jeune fille sans fortune ; et, comme il était sans fortune, lui aussi, il avait renoncé à ses beaux projets universitaires pour se mettre en quête d’un métier plus immédiat et plus sûr. Or, quel autre métier que la musique aurait-il pu trouver, — à moins d’entrer en religion, — dans une ville qui ne vivait tout entière que de musique et de piété ? Il avait donc mis à profit ses anciennes études musicales d’Augsbourg pour composer un oratorio, ainsi que de petits morceaux de musique de chambre ; et puis, probablement à la suite de ces essais, d’influens protecteurs lui avaient procuré des leçons. La musique, naguère dédaignée, l’avait repris de force ; et, dès ce jour-là, il s’était livré à elle avec sa conscience et son application ordinaires, actif, sérieux, méthodique, toujours empressé à vouloir s’instruire : si bien qu’on comprend que l’archevêque ait été heureux d’attacher à son service, en qualité de musicien, un homme qui joignait à sa science musicale toutes les vertus d’un bon serviteur.

Le fait est que, au moment où commence notre récit, c’est-à-dire dans les premiers jours de janvier de l’année 1756, Léopold Mozart était un des membres les plus notables de la chapelle archiépiscopale de Salzbourg, avec les titres de « maître de concert, violoniste, chef d’orchestre, et compositeur de Cour. » Ces fonctions diverses, en vérité, lui étaient payées assez

  1. Coïncidence curieuse : ce n’est qu’après son entrée au service de l’archevêque Léopold que le père de Mozart a, lui-même, substitué à ses prénoms de Jean-Georges celui de Léopold.