Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décomposition et de recomposition ? Vaut-il mieux renforcer le parti, accroître son importance, prolonger sa durée, tâcher d’en retarder, sans pouvoir l’empêcher un jour, la corruption ; ou, tout au contraire, l’affaiblir, circonscrire au plus près son action et abréger son existence, hâter et multiplier les renouvellemens ?

En d’autres termes, le problème qui se posera sera bien : Vaut-il mieux des partis permanens ou des groupemens temporaires ? Mais n’allons pas si vite, et faisons le tour de notre sujet. On vient de le voir : la théorie enseigne, ou du moins enseignait naguère, que les « partis politiques » sont un bien, que seules les « factions » sont un mal : l’opinion commune, l’observation courante, le bon sens objectent que fatalement les partis tournent et finissent en factions. La théorie a-t-elle raison ? L’opinion commune a-t-elle tort ? C’est le cas et c’est le moment de le demander à l’histoire.


II

Il n’est pas besoin de sortir de l’histoire moderne, ni de remonter jusqu’aux partis ou factions de la Grèce et de Rome, jusqu’aux Verts et aux Bleus de Byzance, ni même jusqu’aux Républiques italiennes du moyen âge et de la Renaissance, ou jusqu’aux villes flamandes, ou jusqu’à l’Angleterre de la Rose blanche et de la Rose rouge. L’histoire moderne des partis commence avec les deux partis parlementaires classiques, avec l’histoire même du parlementarisme anglais, prototype et modèle du parlementarisme moderne. Dans le régime parlementaire anglais, les tories apparaissent lors de la révolte des royalistes irlandais contre le Parlement, en 1G48 ; et les whigs, lors de la rébellion de l’Ecosse sous Charles II, en 1680, pour prendre, quelques années après, la tête de la révolution de 1688 et soutenir ensuite la maison de Hanovre contre les Jacobites. Dès le premier moment, il semble qu’on ne les voie pas d’un œil très favorable : si l’étymologie généralement attribuée à leurs noms est exacte, whigs voudrait dire « laitiers » ou « charretiers, » et tories, « forbans » ou « bandits. » Ce sont de ces aimables qualificatifs que, de tout temps, les hommes se sont donnés les uns aux autres pour exprimer qu’ils ne pensaient pas absolument de même sur quelques points. Aux whigs et aux tories peuvent faire pendant, dans le genre péjoratif, en Angleterre même les Têtes rondes,