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LE
SUFFRAGE UNIVERSEL
ET
L’ÉVOLUTION DES PARTIS POLITIQUES

Jusqu’au milieu du siècle dernier, il semble que, même dans les pays à institutions plus ou moins parlementaires ou représentatives, les écrivains politiques n’aient fait aux partis, en tant qu’élémens actifs et organes essentiels de la vie nationale, qu’une très petite place, s’ils leur en ont fait une ; qu’ils n’en aient pas ou n’en aient que peu parlé. Ainsi Montesquieu et Delolme, dissertant, l’un brièvement en 1748, l’autre longuement en 1771, « de la Constitution d’Angleterre. » Ainsi encore Tocqueville, sur les États-Unis, en 1835. C’est seulement entre 1840 et 1850 que les théoriciens, — Suisses et Allemands en tête, les Rohmer, les Stahl, les Wachsmuth, les Frantz, les Abt, les Bluntschli, — commencent à concevoir une histoire et presque une histoire naturelle, une espèce de physio-psychologie des partis. Non pas qu’auparavant il n’y eût point de partis : il y en eut partout et toujours, depuis qu’il y a des hommes, et qui se disputent pour se gouverner. Mais c’est seulement depuis que le suffrage s’est étendu, généralisé ; depuis que la masse à mouvoir, plus volumineuse et plus lourde, a exigé des ressorts plus puissans ; depuis que l’Etat est fondé sur le nombre et qu’il faut conquérir le nombre pour avoir l’Etat ; c’est seulement depuis lors que les partis politiques ont pris,