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avec une véhémence impérieuse, que la révocation de l’Édit de Nantes, le Syllabus, l’infaillibilité du Pape, sont compris dans l’Évangile et en découlent inévitablement. Le catholicisme seul est chrétien, ou pour mieux dire le plus farouche ultramontanisme, et M. Jaurès condamne les sectes protestantes au nom de la logique plus impitoyablement que ne le fait le Pape du haut de son orthodoxie. Ce jeu d’esprit a pour but de déclarer le christianisme incompatible avec la liberté, avec la science, et M. Ribot y a répondu en prononçant deux noms, ceux de Pasteur et de Gladstone, et M. Denys Cochin, en rappelant les grandes choses que le christianisme a faites par le développement du principe de liberté et aussi de charité qui est en lui. Mais qu’importe tout cela à M. Jaurès ? On ne peut s’empêcher de croire en l’écoutant qu’il parle ut declamatio fiat. La déclamation est sonore : en reste-t-il autre chose que le bruit ?

Nous avons signalé l’intervention de M. Georges Leygues. Elle a eu un résultat utile, qui a été de faire rétablir dans le texte du projet la disposition restrictive grâce à laquelle la loi ne s’appliquera qu’à la France : les colonies seront épargnées. M. Leygues avait signalé avec chaleur les inconvéniens qu’aurait la loi pour notre influence au dehors : il a été entendu. M. Noulens a été moins heureux, et, à dire vrai, il avait peu mérité de l’être. M. Noulens est un radical qui a suivi jusqu’à ce jour le ministère dans tous les détails de sa politique et qui continue de partager ses principes ; mais il commence à craindre que l’application n’en coûte trop cher et que ses électeurs ne s’en aperçoivent. Aussi voudrait-il qu’on allât plus lentement, et que le projet fût renvoyé à la commission. M. le président du Conseil s’y est opposé en affirmant une fois de plus que la suppression de l’enseignement libre ne coûterait rien ou presque rien au budget. C’est ce que M. Noulens ne croit pas, et il a laissé échapper de ses lèvres ces mots redoutables : « Je déclare très nettement, en mon nom et au nom d’un certain nombre de mes collègues, que vous nous avez entraînés au-delà de nos promesses et de nos engagemens. » M. Noulens a qualifié la loi en cause de loi « de combat et de menace, » et, répondant au refus de M. le président du Conseil d’en accepter le renvoi : « Vous ne l’avez pas voulu, a-t-il dit ; nous vous laissons la responsabilité de dissoudre le bloc républicain. »

Le bloc républicain, c’est-à-dire ministériel, est-il donc dissous ? Non, car M. Combes a conservé la majorité contre M. Noulens ; seulement elle n’a plus été que d’une quarantaine de voix. Il est triste à dire, mais c’est pourtant la vérité, que, si le ministère est renversé,