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acquise, serait désormais leur charte. Ce qu’il voulait, la Chambre le voulait avec lui, et on a vu à quelle majorité écrasante. La politique qui a été soumise au pays et que le pays aurait ratifiée par son vote, c’est celle-là et non pas une autre. M. Combes avait pris l’engagement d’y rester fidèle ; il y a manqué. Celle qu’il suit est toute différente. Qu’en pense le pays ? Nul ne le sait et n’a droit de le dire à sa place : on le verra aux élections générales, dans deux ans. En attendant, M. Ribota affirmé que ce n’était pas la volonté connue du pays qu’on exécutait, mais une volonté hypothétique qu’on essayait de lui inspirer ou de lui imposer par voie de surprise et d’autorité, et qu’on escomptait avec une singulière audace. Il s’est élevé à ce sujet, entre l’extrême gauche et lui, un dialogue qui mérite d’être reproduit. « Comment ! demandait M. Ribot : vous avez déjà mis à néant 10 000 écoles en trois ans et cela ne vous suffit pas ? » « Non ! » répondait l’extrême gauche. « Vous n’avez pas, continuait M. Ribot, longtemps à attendre le jugement que le pays portera sur ce que vous appelez la première étape de votre politique. Pourquoi cette hâte ? C’est que vous voulez placer vos successeurs devant le fait accompli. » « Parfaitement ! » répliquait l’extrême gauche. Cet adverbe dit tout : M. Ribot y a vu un signe de défiance envers le pays, et nous y voyons avec lui une manifestation de cette politique de coups de force à laquelle une majorité sans courage et un gouvernement sans scrupules habituent de plus en plus le pays. Il est douteux qu’en fin de compte la République tire de ces mœurs nouvelles plus de force au dedans, plus de considération au dehors, et plus d’honneur dans l’histoire.

De grands et de beaux discours ont déjà été prononcés au cours de ce débat. Nous avons parlé de ceux de MM. Charles Benoist et Raiberti. Il faut encore citer celui de M. Lerolle, qui a défendu les congrégations au nom des services qu’elles ont rendus dans le passé, avec l’éloquence la plus chaleureuse et quelquefois la plus touchante. Au surplus, ces services, M. Buisson au les nie pas ; il les a presque célébrés lui-même non sans causer quelque surprise et quelque gêne à ses amis. Mais finalement il a dit aux congrégations : — Vous avez été utiles, vous ne l’êtes plus ; nous n’avons plus besoin de vous, disparaissez ! — rappelant le procédé en usage dans ces sociétés barbares où on tue les gens âgés sous prétexte qu’ils ne sont plus bons à rien. Nous aurons à parler dans un moment des discours de MM. Jaurès et Denys Cochin, et aussi de M. Georges Leygues, qui a rendu un réel service. Mais, de tous, celui de M. Ribot a eu certainement le caractère le plus politique. M. Ribot a rappelé la loi de 1886, dont tous les détails