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Mais si la mauvaise foi n’a pas été en quelque sorte préconçue, elle ressort des faits avec une telle évidence que M. Combes aurait agi plus prudemment en jetant un voile sur ce passé, au lieu de l’exposer au grand jour. Il a permis par-là à M. Ribot de lui rappeler le sens et la portée précise du mouvement d’opinion d’où est sorti le ministère actuel, et auquel il a depuis fait faux bond.

On parle sans cesse de la volonté du pays, et c’est elle que M. Combes prétend suivre. Si cela était vrai, nous n’aurions qu’à nous incliner. Non pas que la volonté du pays ne s’égare jamais : il lui arrive, au contraire, trop souvent de le faire, et le droit de l’opposition, aussi bien que son devoir, est alors de multiplier ses efforts pour l’éclairer et la redresser. Mais, jusqu’à ce qu’elle y soit parvenue, le rôle du gouvernement est de s’inspirer d’une opinion qui est d’ailleurs la sienne et d’agir en conformité avec elle. Par malheur, les partis, et celui qui est au pouvoir comme les autres, sinon plus encore, ont une tendance naturelle à interpréter à leur manière l’opinion du pays et à y mettre toutes sortes de choses qui n’y ont jamais été. Il faut donc prendre cette opinion telle que le pays l’a exprimée lui-même lorsqu’il a été directement consulté, comme il l’a été aux élections dernières. Que lui a-t-on demandé à ce moment ? On lui a demandé s’il approuvait la politique de M. Waldeck-Rousseau, et, bien que cette politique ne fût pas la nôtre, nous reconnaissons loyalement qu’il peut paraître y avoir adhéré. Si donc le ministère actuel appliquait cette politique, comme il s’était engagé à le faire, nous pourrions continuer de la combattre, mais nous reconnaîtrions qu’il est dans son droit. En est-il ainsi ? Nullement. Au cours de la discussion de la loi de 1901, les idées qui l’ont emporté depuis s’étaient déjà fait jour. M. Zévaës avait proposé par voie d’amendement d’étendre à toutes les congrégations, autorisées ou non autorisées, l’interdiction du droit d’enseigner ; mais le gouvernement avait combattu cette extension et la Chambre l’avait formellement condamnée. L’amendement de M. Zévaës n’avait obtenu que 43 voix. Il était sans nul doute dans les intentions de M. Waldeck-Rousseau d’appuyer devant les Chambres certaines demandes d’autorisation formées par des congrégations enseignantes. On l’a dit, par exemple, de celle des Dominicains, et nous avons lieu de croire qu’il a dit vrai. En tout cas, les congrégations déjà autorisées ne devaient pas être troublées ; elles étaient en possession d’un droit dont l’exercice ne pouvait leur être retiré que si elles en mésusaient d’une manière grave. M. Waldeck-Rousseau avait déclaré en termes formels que la loi nouvelle, en les confirmant dans leur situation