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aperçoive maintenant la courbe qu’a suivie l’histoire du sonnet dans notre littérature. Il est introduit chez nous par des écrivains d’un lyrisme timide, médiocrement doués du sens artiste ; aussi les Marot et les Saint-Gelais ne comprennent-ils pas bien tout le parti qu’on en peut tirer, et il languit entre leurs mains. Le mouvement de la Pléiade est une magnifique éclosion de lyrisme ; porté à sa perfection par les meilleurs poètes de l’école, le sonnet devient un rival des plus grands genres. Toutefois, la poussée de lyrisme diminuant, la fortune du sonnet baisse pareillement ; elle succombe de façon définitive sous le triomphe de la littérature classique et impersonnelle. La renaissance du lyrisme au XIXe siècle amènera une renaissance du sonnet. Et un premier caractère de la définition du sonnet est donc son lyrisme. — Cependant il ne suffit pas du triomphe de la poésie lyrique pour rendre au sonnet la vitalité. Les romantiques, à l’époque de leurs plus effrénées effusions de lyrisme, ne se soucient pas d’utiliser le sonnet. Il faut en outre un temps où les poètes aient à un haut degré le sentiment de la forme. De là un second élément de la définition du sonnet, et qui réside dans son caractère artiste. — La Pléiade et le Parnasse sont dans l’histoire de notre poésie les deux époques d’élection du sonnet ; et ce sont aussi bien deux écoles de poètes à la fois lyriques et artistes. On voit par-là quels sont les deux élémens qui constituent le genre dans son essence. Le sonnet, c’est le lyrisme dans la doctrine de l’art pour l’art.


RENE DOUMIC.