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comme une signature, une marque d’origine : Made in France. Il fallait que cette manifestation eût lieu ; nous la devions à nous-mêmes, aux étrangers aussi, qui ne comprenaient plus notre indifférence, au milieu du mouvement général en faveur de l’art rétrospectif. Certes, l’exposition du Petit-Palais, en 1900, avait été un triomphe pour l’organisateur, M. Emile Molinier. Mais la multiplicité des élémens offerts avait empêché d’en tirer les conclusions utiles. Cette fois, nous nous serons bornés aux œuvres dites de plate peinture, panneaux, tapisseries, émaux peints et miniatures de manuscrits. Le Musée des arts décoratifs a gracieusement prêté les salles de son exposition permanente à la peinture, aux tapisseries et aux émaux ; la Bibliothèque nationale s’est réservé les manuscrits. Pour la première fois, celle-ci entr’ouvrira son écrin ; elle fournira aux sa vans et au public amateur l’indispensable comparaison des peintures sur panneaux avec celles des manuscrits royaux ou princiers. On convient aujourd’hui que le duc Jean de Berry fut le plus actif agent de diffusion de l’influence française dans l’Europe entière ; ses manuscrits précieux seront montrés, on aura loisir de se faire une opinion. Les organisateurs ont choisi le cycle des Valois, 1350-1589, parce que les princes de cette dynastie furent excellemment des amoureux d’art, et que, de père en fils, la tradition s’en garda chez eux jusqu’à Henri III. Les plus heureux furent les Valois de Bourgogne, installés dans les Flandres. La France, eut Louis XI, un dédaigneux de « babioles, » qui arrêta quelque temps l’essor. Mais nous devinons très bien, malgré tout, que l’unité de race conformait ces hommes et leur entourage. Le duc d’Anjou, l’un des frères, alla porter un peu de France jusqu’en Sicile, le duc d’Orléans en mit dans la comté d’Asti. Ce fut la vraie conquête et la plus sage, et le vainqueur fut à son tour conquis. Ce sont ces apports réciproques que nous souhaiterions enfin pouvoir clairement démêler. L’enseignement s’en dégagera-t-il de l’exposition ? C’est un vœu que nous formons, dans l’unique intérêt de l’histoire et de la vérité.


HENRI BOUCHOT.