Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dauphin Orland, revenu d’Angleterre pour la circonstance. Pour celui-ci, nous pensons à Bourdichon, le peintre des Heures de la reine Anne de Bretagne, le livre le plus populaire que conservent les manuscrits de la Bibliothèque nationale. Bourdichon est de la descendance immédiate de Fouquet ; il lui a emprunté tous ses secrets de pratique, il n’a su pourtant lui ravir son esprit. Or, Bourdichon a peint des grisailles en grand nombre, les comptes nous le disent en cent endroits ; ce portrait d’Orland est justement une grisaille, la plus belle qui soit, la plus émouvante, car l’enfant mourut l’année même où il fut peint, et son effigie est sur son tombeau à la cathédrale de Tours.

Le grand Gérard David nous fut révélé à Bruges, il y a deux ans : nous voudrions espérer, que chez nous, celui que nous appelons maintenant le Maître de Moulins reçût à Paris sa consécration. Le Maître de Moulins, qu’il soit Jean Perréal, comme on le pense, ou un autre, n’a rien à envier à Gérard David. Le triptyque de la cathédrale de Moulins qu’on pourra rapprocher d’une miniature de la Bibliothèque nationale, et qu’on juxtaposera à d’autres œuvres similaires, sera cette fois offert à l’étude sans dispersion, car ses voisins appartiendront à sa famille proche. Il viendra de Glasgow, ce donateur qu’on a baptisé de tous les noms vraisemblables et qui n’est qu’un prince, chanoine de Saint-Victor de Paris ; elle viendra de Londres, grâce à la courtoisie de MM. Agnew, la femme si laide aperçue à Bruges, dont la sainte présentatrice, la Madeleine, descend en ligne directe du tombeau d’Anne de Bretagne à Rennes. L’évêché d’Autun enverra ce trésor inconnu, l’évêque Jean Rolin aux pieds de la Vierge, morceau d’une distinction rare et noble que pourront encadrer un tableau de Mme Yturbe, un portrait d’Anne de Beaujeu, et celui de son mari Pierre de Bourbon du Louvre, ce Pierre de Bourbon rencontré identique dans le manuscrit 14 363 de la Bibliothèque nationale. Le manuscrit sera produit ; on verra, dans la miniature initiale, ce que pouvait un artiste français au temps où triomphait Memling ; on aura lieu d’estimer qu’il n’a manqué à ces gens qu’un historien pour tenir le premier rang, des béguinages pour s’y enfouir et s’y conserver pendant des siècles. Une pièce du Maître de Moulins apparaîtra chez nous pour la première fois, c’est une Assomption que gardait un vieux prêtre. Le ventre de la Vierge fut usé par les baisers pieux, la peinture en est décolorée, mais l’œuvre fut sauvée par des simples. C’est le plus petit panneau