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penser à eux, et à tous leurs confrères, avant que d’oser affirmer rien de formel dans un sens ou dans l’autre.


IV

C’est de leur formulaire déjà humanisé, — et des produits franco-lombards, parfois adoptés par eux, — que l’art des Parisiens s’autorisera et s’inspirera, avant d’aller coloniser en Touraine et dans les Flandres. La marche fut parallèle ; Van Eyck leur devra autant que Jean Fouquet, et Fouquet, le Tourangeau, n’aura guère connu les Van Eyck ; tout au plus se sera-t-il formé à l’école de leurs inspirateurs. Des Van Eyck nous ne savons guère, autant vaut dire rien, du premier surtout, Hubert van Eyck. Longtemps ils apparurent comme une merveille spontanée, entrée brusquement dans la gloire. Ce sont là des contes à dormir debout. Avant Fouquet, certes, mais tout comme lui, les Van Eyck avaient reçu leur science et leur technique d’autres. La peinture à l’huile, dont un chroniqueur borné leur fait honneur, était d’usage courant à Paris dès le règne de Philippe le Bel. Les Parisiens occupés aux châteaux de la comtesse Mahaut d’Artois, avant 1329, achetaient leurs fournitures à Paris ou bien à Arras, et on y relève l’huile de fin pour couleurs. Si l’on veut louer les Van Eyck, d’abord, et Fouquet ensuite, de leurs fonds de paysages, si l’on a voulu insinuer que les premiers avaient fourni au second l’art des atmosphères et des plans, on oublie que le duc de Berry avait formé les initiateurs du genre, les précurseurs définitifs, lesquels, ayant travaillé dans le Centre, à Bourges surtout, avaient laissé des modèles que le jeune Fouquet avait admirés dès l’enfance, sans pour cela quitter sa Touraine.

Pour bien comprendre l’homme que fut l’artiste illustre dont nous écrivons le nom, il faut avoir étudié ses origines, démêlé le lien formel qui l’unit aux ancêtres, et l’admirer dans ses miniatures[1]. Peintre, il a des lourdeurs et des inexpériences ; dans l’illustration, il est déjà le Français. Avec autant de philosophie, et non moins de pittoresque et de piquant, il devance les merveilleux dessinateurs de notre XVIIIe siècle. Tout ce qui nous reste de sa peinture paraîtra, une fois seulement, au Pavillon de Marsan ; on y verra groupées les œuvres du Louvre, de Berlin,

  1. Voyez dans la Revue du 1er janvier 1902 l’étude de M. Georges Lafenestre sur Jehan Fouquet et l’Art français du XVe siècle.