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inspirés par les Parisiens s’installent à Arras, le comté d’Artois est en la possession de Mahaut, nièce de saint Louis. Arras est alors si bien de France, que, sous le moindre prétexte, les Artésiens en viennent aux mains avec les sujets du comte de Flandres ou de Hainaut. Arras ne sera au duc de Bourgogne, souverain des Flandres, que bien plus tard. Son orientation d’origine lui sera venue de Paris, par les peintres que la comtesse Mahaut entretient à Hesdin dès le temps où commençait Giotto : c’est près de cent ans avant Gentile da Fabriano, Broderlam, et, en général, avant tous les grands noms que les histoires répètent en se démarquant les uns après les autres.

Voudrions-nous dire, comme on l’a cru, que les Néerlandais n’existassent pas alors, et que les Italiens fussent en retard sur les nôtres ? Non pas, en vérité ! Giotto a émerveillé l’Italie, ses continuateurs et ses copistes ont suivi, sans donner rien de plus, le mouvement splendide de ce Byzantin de génie ; car, je le répète, Giotto est de Byzance comme Cimabué. Les Français au contraire n’ont imité personne. Si des Italiens leur sont venus au commencement du XIVe siècle, ce sont de vulgaires mosaïstes romains ; d’ailleurs, ils paraissent s’être cantonnés à Poitiers. Le malheur eût été qu’on les copiât, car eux copiaient. Bien au contraire les Parisiens vivent d’eux-mêmes, de leur école, de leurs goûts plus rudes. On les dirait plus mesquins ; ils sont en réalité plus naïfs, plus sincères, plus primitifs dans le sens juste. Ils n’ont ni l’exemple antique sous les yeux, ni l’obsédante perfection grecque à chaque pas. Ils se forment sur la nature, sur la vie, sur des besoins particuliers de vision et de compréhension des êtres. Leur langue artistique peut sembler un peu barbare, elle est bien la leur, leur création ; elle a de la puissance, assez déjà pour monter vers le Nord et s’imposer jusque très loin dans les terres d’origine germanique. Nos thèmes graphiques, élaborés à Paris et dans l’île de France, sont adoptés à Harlem, à Cologne, en Bourgogne, en Savoie, en Lyonnais, en Touraine, en Normandie, en Angleterre, et dans le Midi, jusque dans le Comtat Venaissin, dans le comté de Nice, par où ils passent aux Génois et aux Milanais du XVe siècle. Sans nul doute, les Italiens finiront par surpasser nos vieux maîtres, mais ; au XIVe siècle, ils leur prennent autant qu’ils leur donnent. Remarquons certains détails de pratique, certaines formules, par exemple les plis d’étoile arrondis et souples de nos verriers du XIIIe siècle ; les