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allemand, les quarante miniatures du Musée Condé ; si le Musée de Berlin a pris à la même source un admirable tableau de l’auteur des miniatures, Jehan Fouquet ; si nous retrouvons du même artiste une vierge à Anvers, un portrait d’homme chez S. A. S, le prince de Liechtenstein à Vienne, un autre chez le comte Wilczeck ; si nous en devinons sous des noms supposés bien d’autres encore à Berlin, à Paris, à Florence, c’est donc que certaines épaves ont été sauvées. Mais Fouquet ne fut pas notre seul peintre : les Tourangeaux, les Lyonnais, les Champenois, les Bourguignons, les Avignonnais furent, chez nous, en nombre au moins égal aux peintres des autres pays, et lorsque nous parlons d’influences voisines sur les nôtres, sommes-nous bien sûrs que ce ne sont pas nos influences que les autres ont subies ? Nos dédains injustes ont laissé partir le meilleur des travaux de ces hommes, et de plus habiles les ont adoptés, baptisés et classés chez eux. Nous les venons réclamer un peu impudemment à ce tour d’enfans trouvés, nous les voulons revendiquer, mais ceux qui les ont gardés de mal se sont habitués à eux et ils les défendent comme le père nourricier dispute, à des parens indifférens, l’enfant adopté par lui, qui maintenant est devenu le sien.


II

L’Exposition qui va s’ouvrir au Pavillon de Marsan s’est donné la mission de rallier quelques-uns de ces débris ; mais, il faut le dire, son nom a fait sourire ceux qui n’ignorent ni les livres de l’érudition étrangère, ni l’enseignement des Universités. Ce mot de Primitifs réclamé pour des Français a paru la marque d’une exagération patriotique un peu intempestive. En effet, disent les érudits de la bonne observance, si ce terme de Primitif vise en réalité le plus ancien artiste et le plus naïvement soumis à l’acte de foi religieux, il n’est que des Flandres. Les Italiens eux-mêmes, avec leur admirable Giotto, sont de descendance byzantine, de décadence antique ; ils n’ont jamais été naïfs ni émus. Seuls les Flamands, les gens des Pays-Bas, ont connu la foi profonde, enfantine, candide, et l’ont exprimée dans un art à la fois simple et doux. Le vrai Primitif flamand serait donc Melchior Broderlam, d’Ypres ; car, avant lui, quel peintre connaissons-nous là-bas ? Bien mieux, quel architecte, quel statuaire, quel enlumineur les Flandres nous montrent-elles ? Orcagna disait :