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plusieurs centaines de millions. En outre, la Banque du Japon détient dans ses caisses 270 millions de numéraire ; elle peut prêter largement à l’Etat, qui l’autorisera à émettre des billets à cours forcé, expédient dont tous les pays, la France entre autres, ont usé en temps de grande crise nationale. Au dehors il sera plus difficile et plus onéreux d’emprunter. Avant la guerre, le crédit du Japon était assez prisé à la Bourse de Londres, bien qu’il eût toujours eu de la peine à faire souscrire ses emprunts par le public : le 5 p. 100 avait coté jusqu’à 106 et le 4 p. 100 jusqu’à 89 en 1902. Aujourd’hui, ces fonds sont tombés à 79 et 65, ce qui veut dire que le Japon ne pourrait pas emprunter à moins de 7 p. 100, mais sans doute à ce taux, ou un peu plus cher, trouverait-il à placer des obligations à court terme auprès d’Anglais ou d’Américains hardis et russophobes, qui ne craindraient pas de courir un risque dans l’espoir d’obtenir un gros profit.

Il est bon de s’entendre, enfin, quand on dit que l’argent est le nerf de la guerre. Il en faut beaucoup pour la préparer, beaucoup quand elle est finie pour en payer les frais ; mais, pendant qu’elle dure, on trouve presque toujours des prêteurs, fissent-ils un peu l’usure, et des fournisseurs qui donnent des délais en se réservant de majorer leurs notes. Y eut-il jamais gouvernement plus dépenaillé que le Directoire, et cela empêchait-il nos armées de parcourir l’Europe ?

Le soldat japonais est d’une sobriété extrême ; la Corée, où il va se battre, et qui n’est pas loin, est un pays qui exporte des denrées alimentaires et sur lequel il pourra vivre, en partie du moins. Avec 7 ou 800 millions que l’Empire du Soleil-Levant parviendra sûrement à se procurer, s’il n’arrive pas jusqu’à un milliard, il pourra soutenir la lutte toute la présente année et même au-delà.


V

Durera-t-elle aussi longtemps ? Il est bien hasardé de faire des pronostics en si délicate matière. La guerre comporte toujours une immense part d’inconnu et de hasard. A plus forte raison est-il difficile de rien prévoir lorsque le théâtre de la lutte est un pays éloigné, médiocrement connu, lorsqu’il s’agit de deux peuples dont l’état moral est si différent du nôtre. L’opinion générale est aujourd’hui que la guerre sera longue, mais c’est