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de kokous de riz (le kokou est une mesure de capacité valant 180 litres). Or, à 41 yen le kokou, prix de ces dernières années, cela représente plus de 330 millions de yen ou 825 millions de francs, plus que les budgets actuels de l’État et des administrations locales réunies. Certes, les charges financières de l’ancien régime étaient très lourdes et leur poids excessif n’a pas été sans contribuer à sa chute, au Japon comme en France, mais qui pourrait contester l’énorme enrichissement du Japon depuis cinquante ans ? et sa population n’était pas même alors les trois cinquièmes de ce qu’elle est aujourd’hui.

En ce qui concerne la Dette de 1 400 millions de francs, on fait observer qu’une partie importante a été employée à des dépenses productives : 300 millions notamment à la construction des 2 000 kilomètres de chemins de fer de l’État, dont le produit net est de 22 millions de francs ; les 1 100 millions qui restent ne représentent que deux années de recettes ; ce n’est pas là une charge des plus lourdes. Sans vouloir peindre sous de trop brillantes couleurs l’état des finances japonaises, il est juste de reconnaître qu’elles valent celles de la plupart des États européens. Il est tout à fait exagéré de croire que le Japon n’aurait pu supporter longtemps de pareilles charges, et qu’il a fait la guerre maintenant parce que le manque d’argent l’aurait empêché de maintenir plus longtemps sur le même pied son établissement militaire et naval, qui n’absorbait, du reste, que 180 millions de francs sur ses 612 millions de dépenses annuelles.

Ce n’est pas le manque d’argent qui a précipité la guerre ; ce n’est pas davantage le manque d’argent qui l’arrêtera, d’ici longtemps du moins. Bien moins riche que les États de l’Europe occidentale et même que son colossal antagoniste, la Russie, le Japon peut réaliser cependant des ressources considérables. Il réduira dans son budget les dépenses non militaires ; il va établir des impôts de guerre ; il émet un emprunt intérieur de 250 millions de francs qui a été plusieurs fois couvert. Certes ces énormes souscriptions d’emprunt sont en grande partie l’œuvre de la spéculation et ne donnent pas la mesure des capitaux disponibles ; mais le patriotisme des Japonais les pousse assurément à souscrire à un emprunt de guerre à des conditions relativement peu onéreuses. Par ces divers moyens, le gouvernement du Mikado peut se procurer sans grande difficulté