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sur des choses purement matérielles ; et pourtant il n’en est pas de plus controversée.

Tout le monde reconnaît que les finances japonaises avaient été administrées avec la plus grande prudence, la plus stricte économie jusqu’à la veille de la guerre. Les revenus ordinaires s’élevaient, en 1893, à un peu moins de 86 millions de yen, soit 215 millions de francs. Le pays, qui comptait alors une quarantaine de millions d’habitans, ne supportait, on le voit, que des charges fort légères, puisque l’Etat ne prélevait guère que 5 francs par tête d’habitant ; encore toutes ces recettes ne provenaient-elles pas d’impôts, mais, pour 30 millions de francs environ, de revenus du domaine, des chemins de fer de l’Etat et de services divers. Qu’on songe à notre budget de 3 milliards ! Le Japon était certes alors un des pays les moins imposés du monde. La dette publique était faible aussi, 660 millions de francs seulement.

Après sa victoire sur la Chine, le Japon, devenu une grande puissance, désireux de développer son outillage économique et militaire enfla ses budgets. La progression fut tellement rapide que les recettes ordinaires prévues pour 1903 s’élèvent à 231 800 000 yen (580 millions de francs). Elles ont presque triplé en dix ans, et elles ne suffisent pas à couvrir les dépenses, tant ordinaires qu’extraordinaires, qui atteignent, pour la même année, 612 millions de francs, après être montées en 1900 à 730 millions. Pour subvenir à ces dépenses, il a fallu emprunter, et la dette a gonflé, elle aussi, jusqu’à 1 400 millions de francs.

Une pareille augmentation n’est-elle pas inquiétante ?

Pour estimer le poids qui pèse sur les contribuables japonais et la manière dont ils le supportent, il convient de se souvenir d’abord qu’en 1903, la population de l’Empire, Formose non comprise, s’élevait à plus de 46 millions d’habitans et que le chiffre brut des recettes ordinaires représente ainsi moins de 13 francs par tête. En France, il atteint près de 90 francs. Nous n’entendons établir aucune comparaison entre la richesse moyenne d’un Japonais et celle d’un Français, mais la seconde est-elle sept fois plus grande que la première ? Les salaires ne sont certainement pas sept fois plus élevés en France qu’au Japon ; quant à la richesse acquise il est bien difficile de répondre.

Mais ce n’est pas le chiffre brut des revenus publics qu’il faut seul regarder pour se rendre compte des charges qui pèsent sur un pays : les élémens des divers budgets sont fort différens et