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Et bourdonne, essaimé dans les enclos voisins,
Et s’éclabousse avec les rubis des raisins.
Or, sans les voir, j’entends les humaines abeilles,
Enflant de fruits juteux l’osier fin des corbeilles,
De leur rire sonore emplir les horizons ;
Et, dans la gloire des suprêmes floraisons,
La louange sans fin des coteaux et des plaines
Monte de toutes parts vers l’Automne aux mains pleines.
Et toi, mon cœur, ô cœur stérile aux rythmes vains,
Cœur où n’ont fermenté que d’indignes levains
Comme en un sol ingrat et dur qui se révolte,
Qu’attends-tu pour mûrir la tardive récolte ?
Glèbe aride aux sillons desséchés, qu’attends-tu
Pour mûrir la vendange intime de vertu,
D’héroïsme et d’amour si longtemps espérée ?
Regarde : autour de toi, tout s’agite, tout crée ;
Le soleil gonfle encor les grappes ; le pressoir
Les écrase, et, de l’aube attendrie au doux soir,
Les rudes tâcherons accomplissent leur tâche.
Vois : dans l’universel effort, cœur vide et lâche,
Seul, tu n’aimes aucun labeur utile, et seul,
Traînant ton rêve aux champs qu’a fécondés l’aïeul,
Au lieu des vins de pourpre et d’ambre, tu n’apportes
Aux hommes que l’écho de tes musiques mortes,
Et la cendre de tes chimères, où l’on sent
Mourir la foi virile et le désir puissant.


LE TROUPEAU


Des hauts sommets où croît, près de touffes d’absinthe,
Le sauvage lentisque ou le vert romarin,
Dévale le troupeau, que le soir purpurin
Eclabousse de braise et d’ambre et d’hyacinthe.

Des Angélus épars meurt la caresse sainte.
Mais la bande, insensible aux appels de l’airain,
Bondit, piétine et fait vibrer le dur terrain
En regagnant la ferme et sa lointaine enceinte,