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sol de l’Allemagne ; les grandes rafles d’hommes dépeuplaient l’Europe centrale, pour semer des cadavres sous le soleil d’Espagne ou sous les neiges russes.

A partir de 1809, l’administration napoléonienne en Allemagne n’avait plus en vue que trois objets exclusifs : percevoir l’impôt, recruter des hommes, et veiller par la police et la censure à recueillir et à comprimer les manifestations du mécontentement public. Jérôme, lui-même, écrivait à son frère, le 16 juin 1813 : « Il faut renoncer à lever des contributions, car les habitans quittent leurs foyers, se suicident, ne peuvent satisfaire leurs premiers besoins. » Et il devenait trop manifeste que tout cet effort énorme et douloureux n’avait plus la contrepartie d’un bienfait social appréciable ou d’une création durable. Il devenait trop évident que tous ces sacrifices ne profitaient plus à la collectivité, mais à la politique personnelle de Napoléon.

Cependant ce soulèvement intellectuel et intime de l’Allemagne napoléonienne ne l’a pas empêchée de verser son sang sous le drapeau français pour la défense d’un état politique qui lui était devenu odieux, et nous aurons à rechercher pourquoi, d’un mouvement d’opinion, cependant général et indiscutable le parti des patriotes allemands n’a rien pu tirer, ni pour la réorganisation politique de l’Allemagne, ni même, dans toute l’Allemagne du Sud et de l’Ouest, pour la défense de son indépendance.


G. CAVAIGNAC.