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manifestations publiques (sur la personne de l’Empereur, sur ses opérations militaires, sur ses projets politiques, sur la manière de les mettre en scène). Malheureusement les personnes de ton entourage, le personnel de ton quartier général, n’ont pas observé la même réserve ni la même prudence…

« Le regard que j’ai jeté sur une partie des correspondances qui viennent de l’armée, » ajoutait le roi, « m’a appris que cette correspondance est, la plupart du temps, scandaleuse, et que les officiers les plus élevés en grade se permettent les expressions les plus coupables, les plus criminelles même. »

Un noble polonais, qui avait livré aux Français les confidences des officiers wurtembergeois hébergés chez lui, avait raconté qu’un général et un colonel, dont il donnait les noms, avaient parlé de passer à l’ennemi.

En février 1813, le roi, toujours aussi bien renseigné, écrivait à son ambassadeur à Paris : « Je ne puis vous cacher que l’éloignement pour tout ce qui est français croît de jour en jour à Stuttgart, et même dans la population rurale. La cour et ma table sont peut-être les seuls lieux où l’on ne manifeste pas publiquement ces sentimens. Même les hommes les plus modérés sont excédés au point de sortir de leur caractère. On commence, sur plus d’un point, notamment à Biberach, à afficher des appels au peuple où l’on parle de s’affranchir, avec l’aide de l’Autriche, d’un joug odieux. » Et, en effet, même dans les États de la Confédération du Rhin qui s’étaient le plus facilement accommodés de la domination française, — dans la Bavière et le Wurtemberg, — les récriminations et le mécontentement allaient grandissant.

L’opposition timide qui se manifestait parmi les souverains de la Confédération, n’était que l’écho affaibli d’une vaste réaction anti-napoléonienne. Déjà, en 1809, Beugnot, qui se vantait cependant, dans le domaine de son administration, d’avoir, jusque sur la rive droite du Rhin, entretenu des sympathies françaises, se montrait fort pessimiste sur l’esprit de l’Allemagne entière. « Les princes de la Confédération suivaient publiquement nos drapeaux, » écrit-il ; « leurs peuples formaient des vœux secrets contre nous. La Prusse jouait, comme de raison, le premier rôle dans ce concert de haines. »

En 1812, Mayence et Francfort célébrèrent, par des témoignages non équivoques de joie, la destruction de la Grande Armée en Russie.