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Déjà, lorsque la Révolution française avait déversé sur l’Allemagne de la fin du XVIIIe siècle, sur les territoires ecclésiastiques de la vallée du Rhin, de la « Rue des prêtres », sur le gouvernement clérical de Charles-Théodore de Bavière, sur le fouillis féodal des chevaliers d’Empire en Souabe et en Franconie, sur les abus grotesques ou odieux de presque tous les petits États allemands, ses idées nouvelles, elles avaient rencontré, comme dans l’Europe entière, un accueil favorable ou enthousiaste. La philosophie allemande, avec Fichte et avec Kant, s’était assimilé les doctrines révolutionnaires du Contrat social, du droit naturel et de la souveraineté populaire. Et puis les violences révolutionnaires avaient arrêté net la propagande intellectuelle de la Révolution en Allemagne.

Sur la faible partie du territoire allemand que la Révolution avait occupée de façon à peu près permanente, sur la rive gauche du Rhin, les violences matérielles de l’occupation militaire, les agens et les procédés de la propagande elle-même, avaient, dans les dernières années du siècle, rejeté la population dans une opposition générale à l’action révolutionnaire. — Des deux seuls hommes marquans que le mouvement révolutionnaire eût mis en lumière sur la rive gauche du Rhin, l’un, Forster, était mort à Paris désillusionné et découragé ; l’autre, Görres, après avoir été, à vingt ans, un des chefs du mouvement révolutionnaire, s’était, à trente ans, renfermé modestement dans son rôle de professeur.

Puis, de 1800 à 1806, l’introduction du régime napoléonien avait suscité en Allemagne des espérances comparables à celles qui avaient accueilli en France le Consulat et l’aube de l’Empire. Ce n’est pas seulement en France qu’on attendait la dictature et qu’on la préparait en l’annonçant. Parmi toutes les prophéties qui ont prédit Brumaire, la plus retentissante est venue d’Allemagne. Elle était signée de Wieland. Wieland était de ces Allemands qui, dans les dernières années du XVIIIe siècle, marquèrent l’évolution de l’esprit germanique passant des agitations purement intellectuelles aux préoccupations politiques. C’est en février 1798, avant même le départ de Bonaparte pour l’Egypte, qu’il publia dans le Mercure allemand, au milieu de la série de ses articles politiques, un « dialogue » qui était appelé à faire du bruit dans le monde.

L’interlocuteur allemand Willibald assure au « jeune Franc »