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À ce phénomène apparent, il est une première explication, purement matérielle et, si l’on peut dire, géographique : la retraite de Russie, la désorganisation et la démoralisation de l’armée française ont affranchi l’Allemagne jusqu’à l’Elbe, par leur contre-coup immédiat.

Sur la rive droite de l’Elbe, la Prusse, le Mecklembourg et une partie de la Saxe, se sont trouvés naturellement, — par la retraite spontanée des corps français, par la seule apparition des Cosaques, — libérés de la pression directe de l’occupation française.

À la limite de ces territoires, sur la frontière flottante de l’occupation française, tout le long de la vallée de l’Elbe, le mois de mars a été au contraire une époque de crise, de drame, de reviremens et d’incertitude.

Hambourg s’est, non sans effort, affranchi provisoirement pour quelques semaines. Lüneburg, dans cette courte période, n’a pas été repris et perdu moins de trois fois par les Français. La capitale de la Saxe a été abandonnée par son roi et occupée, durant cinq semaines, par les alliés, puis reprise par Napoléon.

Mais, derrière cette zone indécise, le reste de l’Allemagne, c’est-à-dire la majeure partie de son territoire, n’a pas cessé, jusqu’au mois d’octobre 1813, jusqu’à la bataille de Leipzig, d’être sous le joug de Napoléon. A part les espérances que pouvaient faire concevoir aux Allemands du Sud et de l’Ouest les événemens qui s’accomplissaient à l’Est, et sur lesquels ils étaient fort mal renseignés, l’Allemagne extra-prussienne n’a ressenti que le contre-coup moral des événemens de 1812.

Seule de tous les États allemands, la Prusse a donc eu la faculté de se préparer, à peu près librement, pour l’effort de la campagne de printemps et de la campagne d’automne.


II

Ce serait toutefois une grave erreur de s’en tenir à cette constatation matérielle. Il faut, si l’on veut bien juger, tenter l’analyse des élémens moraux qui ont, en 1813, armé la nation allemande contre elle-même.

Napoléon avait exercé sur la Confédération du Rhin une action infiniment pénétrante.